Héritage non imposable

15 juin 2014 – Saint-Hippolyte

Fête de la sainte Trinité

Professions de foi et premières communions de l’aumônerie

“Le Seigneur descendit dans la nuée et vint se placer auprès de Moïse.  Il proclama lui-même son nom.”

Dans quelques instants, 7 jeunes de l’aumônerie feront leur première communion, et, avant cela, 13 auront fait leur profession de foi devant nous. Ils feront cette profession en proclamant le Symbole des Apôtres, après que nous mêmes l’aurons récité. Cet écho est significatif. Voici un texte qui a quasiment deux millénaires, un texte que les pères répètent à leurs filles et les mères à leurs fils depuis deux mille ans, un texte porté par l’Église que nos jeunes ont solennellement reçu à l’automne dernier, un texte qu’ils ont appris et qu’ils ont étudié ensemble tout au long de l’année.

Cette douzaine d’articles venus du fond des âges, cette douzaine d’articles pour lesquels des chrétiens sont morts martyrs au cours des siècles, cette douzaine d’articles sont le symbole de notre foi, c’est-à-dire qu’ils sont l’un des moyens reçus des premiers disciples pour dire notre foi, non en un texte quelconque, mais en Dieu tel qu’il s’est manifesté : Dieu unique en trois personnes qui s’est tellement donné qu’on peut le dire dans ces mots là. Pour dire notre foi en la Trinité, ce sont donc ces paroles que nous avons reçues comme un héritage précieux.

Nous portons le même nom de famille, celui du Christ qui nous a choisis comme frères et sœurs, tous nous nous nommons Chrétien. Ce nom de famille de la plus haute aristocratie – rien de moins que fils et fille de Dieu – va avec un patrimoine. Cependant, notre héritage n’est pas constitué de châteaux, de villas en bord de mer, de vignes, de terres, de comptes en banque, d’actions en bourse, d’entreprises, de bijoux, ou de lingots d’or. Il ne se voit pas dans des ressemblances familiales que l’on discernerait sur les traits de notre visage. Il n’est pas non plus dans l’attachement à une terre ou à une nation particulière ici-bas.

En effet, la patrie de notre famille chrétienne se trouve dans les cieux dont nous sommes citoyens, notre passeport est celui du paradis. Quant à notre héritage, il est une parole, elle ne vaut peut-être pas grand chose aux yeux du monde, mais aux nôtres elle est plus précieuse que sceptres, trônes, or et pierres précieuses (cf. Sg 7, 8). Cette parole, c’est celle que Moïse recevait déjà au buisson ardent lorsque Dieu en personne lui a parlé : Je suis le Seigneur, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de fidélité. Dieu nous a parlé. Il nous a révélé son amour, Père, Fils et Saint-Esprit nous désirant depuis le commencement du monde. Il nous a parlé personnellement, il ne nous a pas dicté un livre, nous ne sommes pas une religion du livre, nous sommes une religion de la parole, de cette relation de Dieu avec nous qui se donne dans une parole.  

Dieu nous a parlé. Si nous nous en réjouissons, ce n’est pas parce que nous serions fiers de pouvoir écraser les autres avec ce patrimoine glorieux, comme d’odieux fils à papa qui se glorifieraient de posséder des biens pour lesquels ils n’ont pas de mérite. Dieu nous a parlé et cela nous remplit de joie car cette parole forme nos âmes, lorsque nous l’écoutons, lorsque nous entrons dans cette relation avec celui qui a fait le premier pas, qui a prononcé les premières paroles, qui est venu vers nous en allant jusqu’à donner son fils unique.

Les paroles que le Christ a prononcées et qui nous sont rapportées dans l’Évangile traversent les siècles pour venir jusqu’à nous, par le biais de ce livre et de ceux qui nous l’ont ouvert, par des moyens très pauvres (un peu d’encre sur le papier, une sonorisation aléatoire, les mots d’un prédicateur hésitant), nous croyons que le Seigneur lui-même nous parle. Le livre pourrira, la sonorisation finira par se taire, le prédicateur partira, mais la parole de Dieu gravée dans nos cœurs restera. Là, sont nos traits de famille. Par sa parole, ce ne sont pas nos visages mais nos cœurs que le Christ marque de son image. En nous disant que c’est à l’amour que nous aurons les uns pour les autres que l’on nous reconnaîtra pour ses disciples (cf. Jn 13, 35), Jésus décrit notre caractère familial : comme on dirait qu’on reconnaît la famille Untel à son menton en galoche, à son visage rond ou à la couleur de ses yeux.

En effet, nous sommes de la famille de Dieu depuis que nous avons été baptisés Au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit. Ce nom dans lequel nous sommes baptisés dit que nous portons le même nom de famille que la Trinité, or, à quoi reconnaît-on la Trinité ? Même si nous ne comprenons que difficilement ce Dieu unique en trois personnes, nous savons au moins le reconnaître à l’amour : amour du Père pour le Fils, amour du Fils pour le Père, amour tellement grand qu’il est une personne : l’Esprit Saint.

Aujourd’hui, devant nous, les jeunes qui font leur première communion mangeront pour la première fois à la table des grands. Ils partageront avec nous le corps du Christ, devenant à leur tour membres de ce corps. Ceux qui font leur profession de foi reconnaîtront dans quelques instants leur appartenance familiale de chrétiens, ils prendront leur place d’adulte dans notre communauté et ils recevront la responsabilité de cet héritage à dépenser sans compter qu’est la Parole de Dieu. Par elle, puissent leurs cœurs et le nôtre devenir de plus en plus semblables à celui de notre frère universel : le Fils unique du Père, le Seigneur Jésus-Christ. Amen.