Homélie de la fête de la Sainte Trinité
– Au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit –
Dieu est un, c’est l’une des premières affirmations qu’il révèle sur lui-même au peuple d’Israël : Écoute Israël, le Seigneur notre Dieu est l’unique (Dt 6, 4). Au jour où nous essayons de tourner nos regards vers lui pour contempler son être, c’est la première vérité qu’il faut garder à l’esprit. Dieu est un, l’affirmation est à recevoir au sens le plus fort ; il est à la fois un comme chacun de nous est un et en même temps infiniment plus « un » que chacun de nous car nous sommes faits de parties, nous avons une histoire, nous changeons et nous sommes divisés à l’intérieur de nous. Dieu est « un » c’est dire qu’il est parfait et immuable, simple et identique à lui-même. Dieu n’a pas des qualités ou des attributs qui lui seraient surajoutés : si nous disons qu’il est sage, c’est qu’il est la sagesse, si nous disons qu’il aime, c’est qu’il est l’amour, si nous disons qu’il est patient, c’est qu’il est l’éternité même.
Cette unicité divine et sa simplicité rendent difficile notre appréhension de son être car, contrairement à ce que nous pourrions imaginer à première vue, nos esprits sont faits pour comprendre les choses composées comme nos mains pour saisir ce qui a des parties et nos yeux pour voir ce qui a différentes teintes. Nous ne pouvons lire un texte imprimé sur un fond de même couleur, nous ne pouvons attraper une sphère parfaite, nous n’arrivons pas à appréhender l’unicité divine. Dieu est beaucoup trop simple pour nous et nous ne le ferons par conséquent pas tenir dans notre raison. En appliquant aujourd’hui nos esprits à ce mystère, nous attendons donc d’être saisis davantage que de saisir. Les explications que nous recevons au sujet de Dieu ne doivent pas nous faire espérer qu’elles éteindront le mystère, elles ne sont jamais que des portes d’entrée vers lui afin qu’il nous enveloppe de sa lumière.
La difficulté principale, quant à la Trinité, est d’associer ensemble des affirmations qui, prises chacune à part, sont d’une simplicité évangélique : « Dieu est un », « Le Père est Dieu », « Le Fils est Dieu », « L’Esprit est Dieu », « il n’y a qu’un seul Dieu ». Un enfant de trois ans comprend chacune de ces affirmations de foi. Pourtant, lorsque nous combinons ces affirmations ainsi que le fait Jésus lui-même dans la formule baptismale : « Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit », notre esprit est confondu en interrogations. Quelle étrange manière de s’exprimer que ce « nom » au singulier alors que nous parlons de trois, de trois quoi, d’ailleurs ? À cette question, Saint Augustin répond humblement : « la parole humaine reste parfaitement à court. On répond bien : trois personnes, mais c’est moins pour dire cela que pour ne pas rester sans rien dire ».
Ce qui était vrai pour les qualités de Dieu, est vrai pour chacune de ces personnes : du fait qu’il est un, Dieu est chacune des personnes et chacune des personnes est Dieu. De ce point de vue, elles ne font pas nombre, on ne peut pas les mettre à la file indienne ou les séparer les unes des autres comme on démonterait un moteur. Chacune est la relation qu’elle entretient avec les deux autres ; la distance que nous connaissons entre notre individualité et les relations que nous entretenons avec les autres n’existe pas en Dieu. « Père » et « Fils » sont d’ailleurs des noms de relations. Aucun autre être ne s’appelle « père » ou « fils » de manière absolue, je suis le fils de mon père, mais je ne suis pas que cela, tandis qu’en Dieu ce n’est pas une qualité distincte des personnes : l’être même du Père c’est d’être père c’est-à-dire de donner la vie ; l’être même du Fils c’est d’être fils, c’est-à-dire de la recevoir ; quant à l’Esprit, il est l’amour même de cet aimé et de cet aimant. Amen.
Saint-Michel – 22 mai 2016