Jésus, saveur du monde

Homélie du 5e dimanche du temps ordinaire 2023

« Comment lui rendre de la saveur ? »

Le goût de vivre est un indéfinissable difficile à cerner. Comme une poudre magique et invisible, il fait danser soudainement un enfant, il habite le cœur de deux êtres qui se découvrent et s’aiment, il rend joyeuses les heures d’un travail pourtant difficile, il donne envie d’apprendre, il fait croître dans la foi, il pousse à la louange. Le goût de vivre donne saveur à l’existence.

Lorsqu’il s’évanouit en nous, nous découvrons cependant qu’il n’était pas simplement un petit ajout à la vie mais la vie même, que sans ce goût, la vie s’est retirée de nous. Ce jour où, par la traversée d’une épreuve ou par l’usure du temps, le goût s’évanouit, alors la vie sent la mort, il n’y a plus de feu, rien que des cendres. L’enfant qui dansait s’assoit, les amoureux se demandent où est passé l’arôme de leur entente, le travail nous ennuie, la foi ne bat plus en nous. Ils peuvent bien nous dire de vivre ceux qui nous viennent pleins de bonté, nous sentons que cela n’est pas en notre pouvoir, le goût ne nous est pas donné, comment l’inventerions-nous ? 

Alors la parole du Christ se présente comme une énigme : « Vous êtes le sel de la terre ». C’est facile de le croire quand on a du goût pour la vie : avoir du désir, c’est avoir de la saveur. Mais comment donnerions-nous goût à ce monde sans en avoir pour la vie ? Incapables de le trouver par nous-mêmes, nous entendons la question du Seigneur qui est pour nous comme une prière « comment lui rendre de la saveur ? » « Oui, comment comptes-tu nous rendre de la saveur, Seigneur ? » 

« Prenez et mangez »

Prenez et mangez, vous tous qui n’avez plus de goût. Prenez et mangez, vous tous qui ne vivez plus. Sous les aspects d’un simple morceau de pain non levé et sans arôme, le Seigneur vient à nous, il est celui qui nous donnera du goût. Nous sommes le sel de la terre, le Christ est notre nourriture. Ici, ce n’est pas le sel qui donnera goût à la nourriture mais cette nourriture qui rendra au sel son pouvoir ; et si le goût ne nous pousse pas vers lui, c’est lui qui en venant à nous nous le rendra. Nous nous approchons de lui le cœur vide, pire que vide parfois : ne souhaitant rien, ni vide ni rassasié, sans appétit, à peine vivant ; et nous lui demandons de nous rendre la saveur, ce goût qu’il veut étendre sur nos vies et le monde. Amen.