
Homélie du baptême du Seigneur
« Cet Esprit, Dieu l’a répandu sur nous en abondance par Jésus Christ notre Sauveur »
Un signe de croix, c’est simple et grand. Il part de notre front pour rejoindre notre nombril, il vient ensuite nous couvrir de part en part tandis que nous prononçons le nom de la Trinité. La plupart d’entre nous l’avons appris si jeunes que nous avons oublié quand. Et lorsqu’on l’enseigne à un enfant, on se dit que là, dans le cours d’une journée anodine, au début ou à la fin d’une prière apparemment comme les autres, on est en train de lui faire un cadeau pour la vie. En effet, le signe de croix accompagne notre prière quotidienne comme un fidèle et discret compagnon. Il est simplement là, mais lorsque nous nous arrêtons dessus, alors sa grandeur nous apparaît.
Il y a quelque chose de beau et de solennel dans ce geste si simple et pur. Porté par le peuple chrétien depuis les tout premiers siècles de l’Eglise, s’il fut si rapidement adopté par tous c’est bien qu’il manifestait de manière sobre et claire notre foi. C’est cette même foi qui nous est dite dans la scène du baptême que nous venons d’entendre, si bien que le signe de croix est une illustration parfaite de cet épisode. Pour le voir, il nous faut tout d’abord repérer que ce geste n’est pas fait simplement de quatre points mais d’un mouvement entre ces points, ce déplacement est le plus important car il dit l’amour de Dieu pour nous, un amour en mouvement.
Il y a le ciel et la terre, de haut en bas. Il y a la gauche et la droite, d’un bout du monde à l’autre.
Au nom du Père. Le père est en haut, il est aux cieux, il bénit le Fils « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi je trouve ma joie » et en le bénissant, l’envoie parmi nous.
Et du Fils. Le fils n’est pas simplement en bas sur la terre, comme au bout de la barre verticale, il vient, il descend, il est envoyé par le Père vers nous. En son baptême, il descend au plus bas, parmi ceux qui, pécheurs, reconnaissent leur bassesse en acceptant d’être plongés dans l’eau. Cette main qui descend du front au nombril accompagne l’abaissement du Fils qui se fait l’un d’entre nous. Elle nous apprend chaque jour que, si nous voulons être unis à Jésus, il nous faut nous incliner vers lui.
Et du Saint-Esprit. Ayant rejoint le Fils dans son abaissement, nous pouvons remonter avec lui jusqu’aux épaules. Là, de nouveau, c’est le mouvement qui compte. Contrairement à une erreur répandue, l’Esprit Saint ne se trouve pas sur notre épaule gauche ! Il est bien plutôt celui qui nous enveloppe de son ombre, comme l’ange l’annonçait à Marie, il nous couvre de sa protection, comme l’apparence de colombe sous laquelle il se manifeste au Jourdain nous le rappelle, il nous envahit de son feu, comme les apôtres au jour de la Pentecôte. C’est pourquoi nous prononçons le nom du Saint-Esprit en passant notre main de la gauche vers la droite.
Amen. Le mot hébreu Amen qui accomplit le signe de croix est en dehors du geste pour le sceller et affirmer notre foi en la vérité de ce que nous venons de faire. Il est comme la signature au bas du document, le sceau royal qui en certifie la vérité.
Alors, nous regardons le geste fait et, dans la rencontre de la barre verticale et de la barre horizontale, nous découvrons la Croix. Elle ne se donne à voir que dans un deuxième temps, elle n’est même pas mentionnée dans les paroles qui accompagnent le signe, de même qu’elle n’est présente au baptême de Jésus qu’en filigrane. Elle est pourtant bien là car en se mettant au rang des pécheurs, Jésus choisissait déjà de s’offrir pour eux. Si le ciel s’ouvre aujourd’hui, si l’Esprit est répandu c’est par anticipation du sacrifice du Christ car c’est sa Croix qui fait cela. C’est elle qui rejoint le haut et le bas, la gauche et la droite, c’est elle qui unit la terre et le ciel, le monde entier d’un bout à l’autre. En faisant ce geste sur nous, nous proclamons notre foi en la Trinité, en l’Incarnation du Fils offert pour nous, en la présence de l’Esprit Saint répandu en nos cœurs et nous choisissons aussi d’être unis à sa croix, qu’elle s’étende sur nous pour que nous puissions vivre avec le Fils auprès du Père dans l’unité du Saint-Esprit. Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen.