Mots d’esprit

image

DIMANCHE 8 JUIN 2014 – SAINT-HIPPOLYTE

Solennité de la Pentecôte

“Soudain il vint du ciel un bruit pareil à celui d’un violent coup de vent : toute la maison où ils se tenaient en fut remplie.

En cette fête de la Pentecôte, nous célébrons la venue de l’Esprit Saint en nous. Comme les apôtres, nous l’avons reçu au jour de notre confirmation par l’onction du Saint-Chrême et l’imposition des mains. Mais quelle est cette présence si peu palpable et si difficile à cerner ?

 Pour commencer, remarquons que cette fête est liée à la fête de l’Ascension, célébrée il y a dix jours. En effet, la montée du Christ auprès de son Père et la venue de l’Esprit Saint sont un seul et même acte. Du fait même de son humanité, la présence incarnée du Christ parmi nous était limitée dans le temps et dans l’espace. En montant aux cieux, c’est les hommes et femmes de tous les siècles qu’il entraîne auprès de son Père ; et, dans le même élan, c’est l’humanité entière sur laquelle il fait descendre l’Esprit Saint. Alors que la présence corporelle du Christ s’adresse aux sens extérieurs de ceux qui ont pu le voir, l’entendre et le toucher, et à nos sens extérieurs par leur témoignage, la présence de l’Esprit Saint s’adresse aux apôtres et à nous par l’intérieur. Dans le Christ, le Père s’est communiqué à nous de l’extérieur de nous-mêmes ; par l’Esprit Saint, le Fils vient habiter non plus seulement notre terre mais nos cœurs pour nous donner le Père.

La venue du Saint-Esprit ne nous ouvre pas un accès simplement extérieur à Dieu, car il nous faudrait alors le rejoindre, ou il faudrait qu’il nous rejoigne par le biais de nos sens extérieurs qui sont sujets à caution ; mais l’Esprit Saint nous donne la présence intérieure et véritable de Dieu venant habiter au cœur de notre être.

Pour comprendre l’ampleur d’une telle affirmation, il nous faut avant tout mesurer combien nous désirons une telle présence, combien nos cœurs sont avides de cette union, combien ils souffrent d’être isolés comme des îles désertes, combien ils veulent connaître une présence, un amour véritable. Enfin, aimer et être aimé en vérité !

Mais ce désir se heurte à une étrange malédiction : toute tentative pour rejoindre l’autre semble vouée à l’échec. Voilà que nous croyons vivre un grand moment de communion en couple, entre amis, en famille, à l’église ; et le lendemain, sans crier gare, une tempête éclate qui réveille les déchirures, une incompréhension jaillit qui nous rappelle la difficulté de s’entendre, une indélicatesse se produit qui nous ramène à l’impossibilité d’aimer sans blesser, d’être aimé sans être blessé. 

Dans le chaos de nos cœurs, l’Esprit Saint vient et il nous recrée. Il vient et s’approche tellement près de nous, à vrai dire plus près de nous que nous-même, tellement près que sa présence est parfois inaperçue. Pourtant, il nous envahit complètement. Comme la lumière envahit la terre entière lorsque le soleil se lève, pas un coin de notre être n’échappe à sa venue. Il vient et se répand sur nous comme un parfum dont l’odeur nous imprègne. Toute la maison en fut remplie.

La création nouvelle qu’il opère alors en nous, c’est un cœur enfin capable d’aimer et d’être aimé. C’est pourquoi recevoir l’Esprit Saint et recevoir la présence intérieure du Christ c’est tout un. En effet, si le Christ nous l’envoie c’est pour rendre nos cœurs capables de l’accueillir lui. En recréant notre être, l’Esprit nous donne d’être un tel chef-d’œuvre que le Christ fait de nous sa demeure. Alors nous pouvons commencer à comprendre où s’achève l’œuvre merveilleuse que le Fils de Dieu avait commencée en s’incarnant. La montée du Christ aux cieux, par laquelle il nous envoie l’Esprit Saint est en même temps l’inauguration de sa présence non plus visible sur la terre de Judée mais désormais invisible, et pourtant combien plus proche, dans les cœurs de tous les chrétiens.

La cohérence de cette unique acte du Christ se lit déjà dans le premier chapitre du livre, dans la première phrase, cette parole qui engendra le Verbe : L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, et il sera appelé Fils de Dieu (Lc 1, 35). Ce que Marie a vécu au jour de l’Annonciation : la venue de l’Esprit Saint qui engendre en elle le Fils, les apôtres l’ont vécu au jour de la Pentecôte alors qu’ils étaient en prière avec cette même Marie, et nous l’avons vécu en recevant les sacrements. C’est l’Esprit lui-même qui est venu sur nous, la Puissance du Très-Haut qui nous a pris sous son ombre, et c’est pourquoi le Fils de Dieu est né en nous.

Le fruit le plus visible que nous voyons de cette présence dans le récit de la Pentecôte, c’est le don des langues. L’Esprit inaugure un jour nouveau où enfin nous pouvons vivre dans l’unité et l’harmonie, où nos cœurs peuvent être accordés. Aujourd’hui, en le priant d’accomplir l’œuvre commencée en nous, nous le prions de nous donner ce même don des langues qui nous permettra enfin de nous parler, de nous comprendre, de nous aimer. Amen.