Per aspera ad astra

Homélie de l’Épiphanie 2023

Soleil. Dans notre vie, des jours sont lumineux. C’est l’heure de l’insouciance. Nous avançons sur la route sans même nous inquiéter de sa direction, tout semble clair. Ce sont certains moments de l’enfance et d’autres qui ressemblent à une nouvelle enfance.

Ténèbres. Que la nuit soit venue petit à petit ou qu’elle soit tombée d’un coup sur nous, c’est l’heure des ténèbres. Alors nous avons perdu la route, parfois le goût de la suivre. Nous ne savons pas vers où nous diriger et nous demandons même s’il y a un sens à chercher. Notre vie semble dérisoire, insensée. Les mages de l’Évangile sont des hommes de cette nuit. S’ils ont scruté le ciel, c’est parce qu’ils étaient dans les ténèbres. Je voudrais ici les imaginer : ils avaient connu le soleil dans leur jeunesse mais celui-ci était loin, la nuit était tombée sur leur vie. Alors, pourtant ignorants de l’aboutissement de leur quête, ils ne voulurent pas en rester à l’obscurité et ils scrutèrent les ténèbres. Ils n’étaient pas du peuple juif, ils ignoraient l’espérance d’Israël, aucune parole de Dieu n’était venue à eux. Ils avaient seulement en eux cette muette attente intérieure. Des voisins et des connaissances leur dirent que c’était inutile de chercher, qu’il n’y avait pas de sens à ce monde. Pourtant, par on ne sait quel ressort de leur cœur, ils continuèrent de plisser les yeux et de lever leur regard vers le ciel, attendant que, de là-haut, vienne une réponse à ce qu’ils sentaient d’un désir indicible de leur être.

Étoile. Une nuit, ils ont vu se lever l’étoile. Celui qui l’a vu le premier s’est frotté les yeux pour vérifier qu’il ne rêvait pas puis, appelant les autres, l’a reconnue avec eux : elle était là, indéniable. Elle était la réponse à leur attente mais ne leur disait pas encore comment celle-ci serait comblée. Alors, ils s’avancèrent sur une route qui, toujours nocturne, n’était déjà plus tout à fait obscure. Ils suivirent l’étoile.

Sur le chemin, ils parlèrent, ils rêvèrent la réponse à leur attente. Or, myrrhe et encens. Ils s’équipèrent de cadeaux comme pour un roi et un Dieu. Qu’imaginaient-ils ? Quand ils comprirent que Jérusalem n’était qu’une étape et qu’il leur fallait se rendre dans un petit village de Judée, ils se défirent de leurs illusions mais sans abandonner leur espérance. L’étoile leur avait été fidèle, elle les dépouillait de ce qu’il leur restait de faux jour, elle les conduisait plus loin dans les ténèbres. Tandis que disparaissaient derrière eux les lumières de la capitale et qu’ils s’enfonçaient dans la nuit, ils ne virent plus rien qu’elle. Seul, chacun d’eux aurait peut-être cru qu’elle était un fruit de son imagination mais ils se gardaient les uns les autres dans l’espérance et continuèrent leur route insensée. 

La suivant encore, ils découvrirent en s’approchant l’inattendu qui les attendait : l’étoile était un enfant. Celui-ci ne leur dit rien ; du temps devait encore passer avant qu’il ne leur parle ; mais, déjà, il était la lumière. Amen.