A-t-on des nouvelles du bon larron ?

Homélie du Christ-Roi 2022

« Dieu a jugé bon qu’habite en lui toute plénitude »

A-t-on des nouvelles de Monsieur de La Pérouse ? La légende raconte que, montant à l’échafaud, Louis XVI se serait ainsi enquis de l’expédition de La Boussole et de L’Astrolabe partis explorer le Pacifique sous la houlette de La Pérouse. Si la citation est sans doute apocryphe, elle reflète cependant la préoccupation réelle du roi pour l’explorateur envoyé au loin. Dans la prison, privé de son autorité et de toute prérogative visible, le roi de France en conservait une, il attendait le retour et le récit de ses envoyés. Ici, le roi n’est pas celui qui commande et envoie, qui permet et délègue, il est celui qui recueille les fruits et reconnaît l’œuvre accomplie.

Placée au bout de l’année liturgique, la fête du Christ-Roi nous donne de contempler cet aspect de la royauté de Jésus. Le regard qu’il pose sur le bon larron est celui d’un roi reconnaissant son serviteur qui revient d’expédition. Là où le premier malfaiteur se refuse à lui, le second, sali, blessé et, à vrai dire, fautif et infidèle, vient raconter à l’oreille de Jésus le récit de sa vie. Dans un premier temps, il n’ose sans doute pas dire ce qui lui semble trop misérable et c’est l’autre larron qui lui donne l’occasion d’en faire état sans se départir d’une certaine pudeur : « après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons ». Sa vie lui a échappé et son fruit ressemble à une coquille pleine d’épines qui sonne creux. Il était né dans ce monde pour un but, comme envoyé pour une expédition ; des années plus tard, le voici comme un enfant qui s’est blessé, perdu et ne sait plus bien pourquoi il était parti ; au bout de sa vie, il se retrouve près de son créateur sans même l’avoir cherché, comme par hasard. Alors c’est vers Jésus qu’il se tourne pour l’aider à faire que sa vie ne soit pas en pure perte : « Souviens-toi de moi ! » 

A la fin de cette année, nous sommes comme ce malfaiteur devant le Christ-Roi et nous nous retournons sur le temps écoulé. Qu’espérions-nous il y a un an ? Que s’est-il passé ? A l’oreille du roi, notre prière se fait récit. Peut-être sommes-nous vide comme ce malfaiteur, peut-être avons-nous vécu des minutes de plénitude ; pleine d’aventure ou triste plaine, quelle que nous semble notre vie, nous pouvons la raconter au Seigneur. Petit à petit, nous le laisserons recueillir pour nous le fruit de notre vie. Si nous voulons que ce temps écoulé devienne l’éternité, ne mettons pas le mot fin, le Seigneur fera mémoire et nous aidera à nous souvenir de la vérité de notre vie. 

Le paradis, ce mot que nous n’entendons qu’ici dans l’évangile, signifie jardin. Il évoque le jardin de la Création, celui de la Résurrection. De cette mémoire de notre existence, Jésus fait naître une vie plus nouvelle encore que ce mot. En recueillant notre destinée, il la recrée. Là où le malfaiteur ne voyait que des jours vides et sans fruit, le Christ-Roi en accueillant son serviteur de retour d’exploration, en récapitulant en lui son histoire, en fait un jardin fécond et beau. Amen.