Qu’un feu tombe du ciel

Homélie du 13e dimanche du temps ordinaire

Première messe d’un nouveau prêtre

« Notre Dieu est un feu dévorant. » (Hébreux 12, 29) Il descend du ciel pour éclairer tout homme. Ce ne sont pas ceux qui s’opposent à lui qui brûleront de ce feu tombé du ciel mais, au contraire, ceux qui s’offrent pour porter sa lumière et qui, pour cela, seront incendiés. Hier, ceux qui se sont allongés sur le sol sont devenus des bûches pour le feu.
Le feu brûle tout sur son passage. « Le fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête », « Laisse-les morts enterrer leurs morts », « Quiconque met la main à la charrue puis regarde en arrière n’est pas fait pour le royaume de Dieu ». Renoncement à toute sécurité, aux liens familiaux les plus légitimes, à nos racines mêmes : le Seigneur semble ici cruel comme le feu, il ne fait pas de distinction, il s’attaque à tout combustible à sa disposition. Ne devra-t-il donc rien rester de celui qui s’offre à le suivre ?
Le premier à avoir été ainsi consumé, c’est Jésus lui-même. C’est bien lui qui, avant tout autre, laissant sa maison être consumée par l’amour de Dieu, est parti sur les routes sans plus d’endroit pour reposer la tête. C’est lui aussi qui a laissé le tombeau de son père – nous nous arrêtons souvent sur ce que le recouvrement de Jésus au Temple a pu être pour Marie et pour Joseph, ici le Seigneur nous laisse entrevoir ce qu’il lui a coûté à lui et ce que fut, quelques années plus tard, le renoncement définitif à ce qui lui restait de Joseph : un tombeau. C’est le Christ encore qui, au début de ce passage, met résolument la main à la charrue, et prend la route de Jérusalem « le visage déterminé », décidé à laisser le feu le brûler tout entier et, jusqu’à en mourir.
Il est nécessaire que le brasier ne se donne pas de limite car c’est ainsi qu’il continue à vivre : lorsque le feu achève son œuvre, il finit par s’éteindre en ne laissant que des cendres. Le feu divin semble suivre la même logique et tout avaler sur son passage : ce n’est qu’à la fin que se dévoile son intention véritable. Lorsqu’il sembla que Jésus avait été tout entier consumé, au tombeau où ils ne pensaient ne trouver que des cendres, les premiers témoins furent illuminés d’une lumière nouvelle. Au matin de la résurrection, Jésus était feu mais ne se consumait plus. En lui, l’amour n’était plus brûlure, il était parfaite lumière.
Les prêtres, dont le Seigneur fait d’autres lui-même sur cette terre, sont appelés à brûler à leur tour ; avec le Christ, ils seront passés au feu pour devenir aussi buissons ardents. Le feu qui vient du ciel brûlera tout ce qu’ils lui offriront afin d’atteindre leur âme qui seule pourra brûler sans se consumer et être le lieu d’où Dieu parlera à son peuple. Hier matin, un feu a enflammé les bûches qui étaient étendues sur le sol, non pour les détruire mais pour les purifier de ce qui doit mourir et faire fleurir les germes d’éternité déposés en elles. Osons prier pour que ce feu ne cesse de tomber sur eux, qu’il ne les épargne pas et qu’au soir de leur vie, une traînée de lumière soit leur sillage. Amen.

« Celui qui est étoile pour les hommes est peut-être enfer pour lui-même.
Il donne la lumière, et garde l’incendie. »
Gustave Thibon, Aux ailes de la lettre