Il est vivant

Homélie du 13e dimanche du temps ordinaire 2021

« Une force était sortie de lui »

Au lieu d’où jaillit la vie, elle s’écoule en pure perte, la femme se vide de son sang depuis douze ans sans remède. A l’heure qui devrait être le moment où la jeune fille devient femme et à même de porter la vie, elle meurt. La mort a perverti la vie, elle l’a blessée, elle l’a rendue stérile, plus rien n’est intact, tout est incomplet.

Le nombre 12 vient souligner le caractère inaccessible de la plénitude pour laquelle nous sommes faits. Douze, c’est la création tout entière, l’espace multiplié par l’histoire, les quatre points cardinaux multipliés par les trois temps que sont le passé, le présent et le futur. Ce douze devrait être une plénitude de vie, un rayonnement parfait de la gloire de Dieu. Voici pourtant douze ans que la femme se vide de sa vie et c’est l’âge auquel meurt la jeune fille. La blessure qu’est la mort installée dans la création ne laisse rien indemne et la vie semble devoir toujours porter avec elle la mort. 

S’avance Jésus-Christ. On l’appelle pour sauver ce qu’il reste de vie dans la fille atteinte par la maladie. On croit en lui comme quelqu’un capable de ranimer des braises encore fumantes avant qu’elles ne s’éteignent. Sur son chemin, la femme qu’épuise la mort depuis douze ans touche son manteau. À sa guérison, l’on comprend que Jésus n’est pas simplement un réanimateur : il est la vie, la vie pleine, tellement pleine qu’elle ne peut cohabiter avec la mort. Là où nous sommes mêlés, porteurs de vie mais toujours penchant aussi vers la mort, lui ne donne aucune prise à ces ténèbres. Rien qui puisse lui retirer la vie qui est en lui et, lorsqu’à son tour il se videra de son sang, ce sang sera au contraire le don de la vie pour tous les hommes. C’est pourquoi la femme est guérie, son mal ne pouvait cohabiter avec la présence du Christ. Il y a déjà là une annonce de la passion : mort, Jésus a détruit la mort, il semblait aussi passif dans la mort qu’il l’est par rapport à cette femme qui touche son manteau en s’approchant par derrière. Jésus ne porte pas simplement la vie par son activité, sa parole, il porte la vie par son être même, il donne vie parce qu’il est la vie éternelle. 

Lorsqu’il arrive enfin chez Jaïre, il n’y a plus de braises à ranimer, la jeune fille est morte. « À quoi bon déranger encore le Maître ? », elle n’est plus que cendres. Ceux qui disent cela n’ont pas assisté à la guérison de la femme, ils n’ont pas encore compris que Jésus n’était pas simplement un puissant guérisseur, ils ne savent pas qu’il est la vie même. Au contraire, Jaïre qui a assisté au miracle commence à comprendre qui est Jésus, il croit. Alors, là où la mort était victorieuse, là où la vie s’était totalement retirée, Jésus entre, et revient la vie. 

Le combat est parfaitement inégal, la mort n’a aucune chance devant la vie. Jésus a vaincu, il vainc, il vaincra. Il est la vie. Il est le rayonnement parfait de la gloire de Dieu qui rend la création à sa plénitude. Amen