Homélie de la Pentecôte 2021
« Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière. »
« Qu’est-ce que la vérité ? » Pilate n’attendait sans doute aucune réponse à cette question ironique. Il rejetait ainsi la parole que Jésus venait de prononcer : « quiconque appartient à la vérité, écoute ma voix ». Il semblait dire : « y a-t-il seulement une vérité ? ». Or, la réponse que nous faisons à cette question décide de la forme que prendront notre vie et notre société.
En effet, soit il n’y a pas de vérité et chacun est une bulle incapable de rejoindre l’autre, il n’y a alors aucun espoir que nous puissions nous accorder sur une réalité quelconque et les relations ne sont que des négociations où chacun reste à lui-même son propre monde. Soit il y a une vérité, et alors, nous pouvons la chercher ensemble, nous pouvons nous réunir autour d’elle, elle peut nous réunir en elle et un monde commun est possible.
La Pentecôte, c’est la manifestation de la vérité. La promesse de Jésus : « l’Esprit de vérité vous conduira dans la vérité tout entière » est réalisée dans le don des langues qui signe l’avènement d’une vérité réconciliatrice. C’est une expérience à laquelle nous goûtons quand nous parvenons à un accord, qu’il soit celui, complice, de deux amis qui se comprennent en un clin d’œil ou celui de la paix qui vient après un conflit, au terme d’un échange long et compliqué. L’avènement de l’harmonie dans nos vies, le fait d’être compris et de comprendre, cette réalité mystérieuse qui, tout en étant enracinée dans nos dialogues, dépasse nos mots, cette union des cœurs, c’est le sceau de la vérité, le signe qu’une vérité est possible.
Cette vérité n’est pas de celles que l’on possède, elle est plutôt celle à laquelle on appartient. Elle est celle dans laquelle nous pouvons être conduits par l’Esprit Saint. Cette vérité est une personne avec laquelle nous pouvons être en relation, elle est à la fois le Christ qui est devant nous et l’Esprit qui agit en nous pour nous le faire connaître. Elle n’est pas inerte mais vivante, agissante, nous pouvons nous y livrer pour en être changés.
Si, aujourd’hui, en Occident, tant se sont réfugiés dans un relativisme prudent, préférant penser qu’il n’y avait de vérité que subjective, c’est souvent par peur d’une vérité qui serait une tyrannie. Les chrétiens ont leur part de responsabilité, ayant parfois agi comme s’ils pouvaient s’attribuer à eux-mêmes la parole de Jésus : « Je suis la vérité ». Or, le fait que le Christ dise être la vérité sous-entend que nul ne peut la détenir : nous ne pouvons pas le posséder mais nous pouvons le connaître et l’aimer.
L’évangile d’aujourd’hui est paradoxal, Jésus dit en effet : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous ne pouvez pas les porter » avant d’ajouter : « l’Esprit de vérité vous conduira dans la vérité tout entière. » Tant que la vérité nous apparaît comme quelque chose à porter, nous n’avons pas la force de la porter, tant que nous croyons qu’elle n’est qu’un ensemble de définitions et de propositions, nous n’en viendrons pas à bout ; le travail de l’Esprit Saint est de nous conduire des mots à la réalité puis de nous donner les mots pour dire la réalité à laquelle il nous a conduits afin que nous puissions en rendre témoignage.
Durant trois ans, les apôtres ont entendu les mots de Jésus et vu ses actes ; au jour de la Pentecôte, l’Esprit ne leur dit ni ne leur montre rien de plus mais il vient pour les conduire dans la vérité à laquelle menait ce qu’ils ont vu et entendu. C’est alors qu’ils se mettent à en témoigner pour que d’autres les y rejoignent. Amen.