Rencontre

Homélie du 3e dimanche de Pâques

« Touchez-moi, regardez »

Jésus est ressuscité dans sa chair et c’est ainsi qu’il vient à la rencontre de ses apôtres. Dans un premier temps, Jésus avait semblé s’approcher tout en fuyant : après l’avoir appelé par son nom, il avait demandé à Marie-Madeleine de ne pas le retenir ; Pierre et Jean avaient couru au tombeau pour le trouver vide ; il avait marché auprès des disciples d’Emmaüs sans qu’ils le reconnaissent et avait disparu à leur regard au moment même où leurs yeux s’ouvraient à sa présence. Par ces venues contradictoires, Jésus éduque ses disciples à accueillir sa présence libre, pleine et gratuite. Viennent ensuite d’autres apparitions où il se donne à voir, à toucher et à entendre sans cette retenue initiale, c’est comme si sa présence les avait guéris de la tentation de l’agripper et leur avait donné de l’accueillir pleinement : alors peut se produire une rencontre vraie. 

L’apparition dont nous venons de lire le récit est de cet ordre. Jésus est présent en son corps, il parle, il se propose au regard et au toucher de ceux qui sont là. Il mange au milieu d’eux. Une rencontre c’est la mise en présence de deux êtres et c’est en même temps plus que cela. Il ne suffit pas que les corps soient dans la même pièce, encore faut-il que les personnes soient disposées l’une à l’autre. La rencontre est un miracle quand, sans rompre la distinction de nos altérités, elle nous met en relation l’un avec l’autre 

Il est bien des moments où nous sommes en présence sans être à l’autre qui est là. Ce sont les disciples qui marchent vers Emmaüs. Ce sont évidemment les minutes dans les transports, les commerces ou la rue en présence d’anonymes que nous croisons sans les reconnaître, mais ce sont aussi les moments où nous sommes aux côtés de nos proches tout en n’étant pas avec eux. Il ne suffit pas alors de les serrer plus fortement contre nous pour les rencontrer.

Par sa double invitation : « Touchez-moi, regardez », Jésus invite à une disposition du cœur qui est initiée par l’ouverture corporelle à l’autre. Si nous voulons nous rencontrer, cela se fait par nos sens, par notre chair. Cela ne se fait pas sans peine et il faudra sans doute lutter jusqu’au bout pour écouter l’autre et laisser ses mots nous atteindre, pour que nos yeux soient ouverts et discernent en lui la lumière d’une personne digne d’être aimée, pour que nos mains restent ouvertes et l’accueillent.

Parfois pourtant l’instant miraculeux d’une rencontre nous est donné. Alors, nous entendons, nous voyons, nous touchons l’autre, et, dans cette relation de nos corps, chacun reste nimbé de son mystère tandis que nous nous rencontrons véritablement ; nous ne disséquons pas l’autre mais nous le contemplons dans sa personne, nous ne le saisissons pas mais sa lumière nous réchauffe et nous réjouit. C’est cet ordre de rencontre qui a lieu ici. Jésus se laisse toucher et voir pour entrer dans une relation vraie avec ceux qu’il aime. Ceux-ci en sont remplis de joie et ils s’ouvrent à la connaissance réelle de Jésus.

Parce que cet événement n’est de l’ordre ni de l’expérience scientifique, ni d’une illumination conceptuelle, ni même d’un phénomène extraordinaire, les disciples ne propageront pas une connaissance, ils seront témoins d’une personne. A vous d’en être les témoins. L’immense œuvre missionnaire de l’Église se ramène à cet unique objet : donner à chacun de rencontrer Jésus-Christ. Par leur témoignage, nous sommes à notre tour entrés dans la connaissance du Christ, nous aussi venons le voir et l’entendre, le rencontrer ici en vérité. Amen.