Homélie du 33e dimanche du temps ordinaire
« Il leur confia ses biens »
Il y a quelques années, j’ai connu une vieille dame qui voyait petit à petit ses forces la quitter et me disait, presque toutes les fois où j’allais la voir, qu’à mesure que lui étaient retirées ses capacités, il ne lui restait plus qu’un trésor qui, dans ce dénuement, étincelait d’autant plus : c’était sa foi. Le plus grand bien que nous ayons reçu, c’est la connaissance de Dieu par Jésus-Christ. Dans la parabole, ce maître qui part en voyage ne remet pas simplement à ses serviteurs une partie de ses biens mais ses biens, c’est-à-dire qu’il se remet lui-même entre leurs mains. Le Christ nous a tout confié : « Tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître » dit Jésus à ses apôtres à la veille de sa Passion. Par eux, dans l’Église, nous avons reçu Jésus-Christ lui-même. C’est là le bien véritable.
Si nous suivons le fil de la parabole, ce trésor demande à être accueilli, à fructifier et, enfin, nous en rendrons des comptes.
Il s’agit donc d’abord d’accueillir ce trésor. Celui qui cache le bien qui lui a été confié refuse de le recevoir, il choisit de le mettre dans un coin et de le rendre sans y avoir touché, comme s’il ne s’était rien passé ; il préfèrerait sans doute qu’on ne lui ait rien confié et peut-être tremble-t-il toutes les nuits qu’un voleur ne découvre le lieu où il a caché le bien de son maître. Les autres répondent par la confiance à la confiance du maître, ils accueillent ce bien comme leur propre richesse. Le Seigneur nous a confié sa vie pour que nous la recevions à pleines mains et le cœur ouvert. La recevoir, c’est avant tout contempler le trésor qu’est cette présence de Dieu à nos vies. Alors même que, par le fait des circonstances actuelles, nous ne pouvons plus en vivre aussi simplement qu’en d’autres moments, arrêtons-nous sur cette richesse que sont pour nous les sacrements, la Parole de Dieu, la prière, la communauté chrétienne, etc. ; pensons aux joies que nous y trouvons, à la pâleur qui recouvrirait notre vie sans ce que Dieu nous donne par la foi et à la profusion qu’elle est à la lumière de sa présence.
Ensuite, la parabole nous appelle à faire fructifier ce bien reçu du maître. Ce bien ne nous est pas donné comme quelque chose de figé mais comme une vie à faire grandir. Le faire fructifier, c’est à la fois le voir grandir en nous par la croissance vécue de notre relation avec Jésus et permettre qu’il grandisse en d’autres par l’annonce de cette vie qui est en nous. Ce bien que nous avons accueilli, si nous l’avons vraiment reçu comme nôtre peut devenir notre vie ainsi qu’en témoigne Saint Paul : Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi (Ga 2, 20). Il ne suffira pas pour cela que notre cœur batte près de celui de Jésus, ni même qu’il batte au rythme de celui du Christ mais nous désirons aller jusqu’à unir totalement notre cœur à celui du Sauveur afin de voir vraiment fructifier en nous le bien du maître. Cet amour reçu de lui, s’il devient notre propre vie, nous pourrons le donner à notre tour avec la même générosité.
Alors, quand viendra le jour où nous en rendrons des comptes, nous ne présenterons pas un bien détaché de nous-mêmes. Le maître s’était confié lui-même en nous confiant son bien, si nous laissons ce bien devenir notre vie et fructifier en nous, nous ne pourrons plus nous distinguer de ce dont nous rendrons compte, c’est notre être même que nous ouvrirons au regard de Dieu. Contrairement à celui qui tend du bout des doigts, dans un linge, le bien avec lequel il n’a rien voulu avoir à faire, nous ne saurons plus distinguer notre vie de celle de Dieu. Il s’était confié à nous à travers son bien, nous lui rendrons nos vies en lui rendant son bien et il nous accueillera dans sa joie. Amen.