L’unité vraie

Homélie de la Sainte Trinité

« Que la grâce du Seigneur Jésus-Christ,
l’amour de Dieu
et la communion du Saint-Esprit
soient avec vous tous. »

À trois petites vies qui grandissent ensemble

Je crois en un seul Dieu. Comprenons-nous bien ce que nous proclamons quand nous disons croire en l’unicité de Dieu ? Nous sommes souvent gênés aux entournures, ne sachant pas bien que faire de cette Trinité : Père, Fils et Saint-Esprit, où le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu, où ils ne sont qu’un seul Dieu. Parfois même nous nous demandons s’il n’y a pas là une sorte d’entourloupe ou, dans le meilleur des cas, un montage un peu curieux. Le mot même de Trinité n’est-il pas une valise trop remplie qui jamais ne fermera ? Aujourd’hui, j’aimerais que nous nous penchions sur ce qu’est l’unité véritable afin de voir combien cette unité est la seule qui vaille, afin de la contempler émerveillés.  

Sans doute, si l’on nous demande de définir le mot « un », nous expliquerions qu’il y a « un » quand il n’y a pas plusieurs. Il y a ici un autel, des cierges, une église, des fidèles. Pourtant, en vérité, nous serions bien en peine de trouver une réalité terrestre qui soit « une ». L’autel est composé de différentes parties et peut rapidement être découpé en morceaux, l’église peut être démontée brique à brique. Nous pourrions être tentés de chercher alors l’unité dans la simplicité : cependant, une brique est-elle plus une que l’église ? Un morceau de bois extrait de l’autel est-il plus un que l’autel en entier ? Ne peut-il pas être découpé à son tour en autant de morceaux ?

En réalité, c’est l’inverse, l’unité véritable est dans la rencontre, le dialogue entre les différentes parties d’un tout. L’autel est plus un que le bois qui le compose, notre église bien construite donne un sentiment d’unité plus grand que chacune de ses briques prises à part, notre personne même, malgré la dispersion de son emploi du temps et les multiples parties de son être, est appelée à être plus une que ce bâtiment. On pourra nous blesser de bien des manières mais on réussira bien plus difficilement que cette église à nous réduire, corps et âme, en petits morceaux. Enfin, l’Église catholique traversant l’Histoire, conduite par le Christ qui nous y rassemble, aussi divers soyons-nous, présente au monde le visage d’une unité qui, bien qu’elle ne soit pas sans failles, est inouïe. 

L’unité qui est en Dieu est à chercher dans ce sens. À vrai dire, elle est même la source de toute unité. Si Dieu est un, ce n’est pas contre la diversité des trois personnes mais par elles. Il y a bien plus d’unité dans l’amour des trois qui sont l’unique Dieu qu’il ne pourrait y en avoir dans aucun Dieu solitaire issu de notre imagination : le Père qui ne cesse de donner vie au Fils – ou pour le dire avec le mot exact : d’engendrer le Fils –, le Fils qui ne cesse de rendre toute grâce au Père, l’Esprit qui procède des deux, qui est leur amour même et tout cela depuis toute éternité. Ils sont tellement un qu’on ne peut définir l’un sans dire l’autre, qu’il est impossible de les séparer et que dire Dieu, c’est dire les trois autant que leur unité. 

Cette unité nous enseigne en retour sur celle à laquelle nous sommes appelés. En effet, les dénominations que nous utilisons sont ici à revoir : qu’est-ce que ce Père qui n’en a pas, qu’est-ce que ce Fils qui ne cesse d’être engendré, qu’est-ce que cette relation qui est une personne nommée Esprit Saint ? Leur unité est parfaite ; plonger en elle, c’est laisser Dieu nous rendre à nous-même, rassembler les parties dispersées de notre être pour leur faire trouver leur harmonie, purifier nos relations de tout égoïsme pour nous apprendre à aimer en vérité. La Trinité est éternelle, elle a fait du temps son allié en notre faveur. Si nous nous y abandonnons, en nous souvenant de notre baptême où nous avons été plongé en elle, elle donnera à ce temps de porter pour nous des fruits d’unité, elle nous donnera de goûter à la joie de l’amour unifiant. Amen