
Homélie de la Pentecôte
« Recevez l’Esprit Saint. »
Comment ne transmettre que du bien ? Être en présence de ceux que nous aimons, leur parler, les prendre dans nos bras et nous risquons de leur transmettre le virus en même temps que l’affection que nous leur portons. Tout ce que nous donnons est toujours mêlé de mal, le bon grain et l’ivraie cohabitent dans le plus parfait de nos bienfaits. Cette réalité que l’épidémie a rendue si actuelle est, en réalité, universelle et les questions que nous nous posons au quotidien ces temps-ci sont existentielles. De la réponse qu’on leur donne dépend l’orientation de notre vie. En effet, sur le point de se donner, celui qui est honnête avec lui-même tremble : l’amoureux s’inquiète de la gratuité de son amour, les époux à la veille de donner la vie se demandent si celle-ci vaut d’être vécue, le prédicateur au moment de prendre la parole s’inquiète de l’erreur et du mensonge dont il est perverti, le maître à l’heure d’indiquer une route ignore s’il ne va pas davantage entraîner le disciple dans ses mauvais pas. Devant ce risque, nous pouvons nous résigner, ou renoncer, ou encore être sanctifiés par l’Esprit Saint.
Nous résigner, c’est dire : « il faut bien vivre ! », c’est suivre la pente de notre instinct qui nous pousse à nous reproduire, à survivre à nous-même dans ceux à qui nous nous donnons, en refusant de nous préoccuper du mal que nous pourrions transmettre avec. Renoncer, c’est choisir l’autre branche de l’alternative qui consiste à refuser de donner la vie puisqu’avec elle on transmet la mort, c’est se refuser au don puisque celui-ci est toujours mêlé.
Jusqu’à la Pentecôte, les hommes étaient laissés à ces deux solutions. Ceux qui avaient renoncé étaient morts sans postérité, ceux qui s’étaient résignés avaient, avec la vie, étendu le péché originel à toute l’humanité. Chaque génération se retrouvait devant le même dilemme à mesure que l’Histoire avançait, sans jamais pouvoir en sortir. Aussi, lorsqu’au jour de la Pentecôte, Pierre ouvre la bouche, pour la première fois de l’Histoire, un pécheur parle avec l’espérance fondée que son discours soit porteur de vie.
Les langues de feu de ce jour sont comme un écho du souffle de Jésus que nous rapporte l’évangile de Jean. En soufflant sur ses apôtres, Jésus, sans pourtant les rendre exempts du mal, leur donne une parole et une action sanctificatrices. Le souffle de Jésus est le souffle pur et parfait de l’Esprit Saint que rien ne peut corrompre, qui renouvelle toute la création, qui purifie les cœurs. Pierre, Jacques, Jean et les autres ont continué de lutter contre le mal en leur cœur, ils n’ont pas été rendus immaculés dans l’instant mais ils ont reçu mieux. Avec le pardon de leurs péché, Jésus leur a donné la puissance de pardonner. « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »
En recevant l’Esprit Saint, ils reçoivent une puissance, la puissance d’une parole qui, bien que prononcée par des pécheurs, sanctifiera ceux qui l’entendront, la puissance des sacrements qui, bien que célébrés par des ministres indignes, diviniseront les fidèles. Plus encore, cette parole et ces sacrements ne se contenteront pas de passer par leurs mains vides pour atteindre ceux qui les accueilleront, elles consacreront leur cœur, elles sanctifieront leur être.
Dans l’Église, à ceux qui ne se résignent pas à une transmission défectueuse sans pour autant renoncer à donner Jésus-Christ, à ceux qui laissent le Seigneur les dépouiller et sont modelés par le souffle de l’Esprit Saint est donné un cœur nouveau. Alors ils contemplent en ceux auxquels ils sont envoyés les merveilles que Dieu accomplit. Les époux se confiant à l’Esprit sont sanctifiés l’un par l’autre, les parents s’offrant à sa puissance voient leurs fils et leurs filles les faire avancer vers le ciel et les prédicateurs s’avancent les mains vides pour accueillir avec leurs auditeurs le don qui leur vient du ciel. Amen.