
Homélie du 3e dimanche de carême
« Donne-moi à boire »
La demande de Jésus peut sembler être une sorte de stratagème. Il demande à boire mais très vite, c’est pour amener la Samaritaine à lui demander cette eau vive dont elle a soif. Jésus demandait-il à la Samaritaine à boire seulement pour lui permettre de reconnaître sa propre soif ? Jésus avait-il soif ? Si oui, de quoi avait-il donc soif ?
Certes, il y a un premier retournement, après que Jésus s’est présenté comme celui qui peut donner l’eau vive, source jaillissant pour la vie éternelle, la Samaritaine lui demandera : « Seigneur, donne-moi de cette eau ». Si bien que Jésus qui s’était présenté à elle assoiffé, devient celui qui peut l’abreuver. Elle arrivait, forte de la cruche sans laquelle Jésus ne pouvait puiser l’eau du puits, à même d’abreuver celui qui était assis sur la margelle ; elle se retrouve devant le Messie qui peut donner l’eau dont elle a vraiment soif. Jésus se présentait comme un homme assoiffé, il lui apparaît désormais comme celui qui lui a révélé la soif qu’en elle il pouvait abreuver. Jésus lui a montré la vérité de son désir en même temps qu’il s’est manifesté comme celui qui pouvait y répondre.
Alors, que voulait-il en lui demandant plus tôt : « Donne-moi à boire » ? Faisait-il semblant d’avoir soif ? On ne le voit pas boire et, plus loin, il refuse même la nourriture que lui proposent ses disciples. Cependant, Jésus a bien eu soif, il a bien eu faim. Preuve en est qu’il explique à ses disciples comment il a mangé : « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre ». En prenant le « donne-moi à boire de Jésus » au sérieux, nous devons comprendre qu’il avait vraiment soif et qu’il a été abreuvé bien qu’il laisse la Samaritaine repartir sans qu’elle ait puisé de l’eau.
Ailleurs, Jésus demande de nouveau à boire : c’est sur la Croix où il prononce ces mots : « J’ai soif ». Crucifié, Jésus n’a pas soif du vinaigre dont on l’abreuve mais de la soif des hommes qu’il est seul à pouvoir abreuver de son cœur ouvert. Nous sommes si souvent soif contre soif, déshydratés dans le désert, attendant de notre voisin l’eau dont notre cœur est altéré. Mendiants traversant la vie, tous aussi pauvres, incapables de nous enrichir les uns les autres. Voilà un homme qui vient à nous et nous dit, apparemment comme tous les autres : « Donne-moi à boire ». Cependant, si nous nous laissons approcher, nous découvrons que celui-ci n’a pas soif comme nous, il n’a pas soif de notre amour comme boisson, il n’a pas faim de notre affection comme aliment. Mais au contraire, lui qui est la source des eaux vives, lui que nourrit la volonté du Père, il a soif de notre soif. En lui disant : « donne-moi de cette eau, que je n’aie plus soif », la Samaritaine comble sa demande. Nous n’avons rien d’autre à lui donner que notre manque, notre vide, nos mains ouvertes de pauvres. C’est notre pauvreté qu’il vient mendier, c’est notre soif dont il est altéré. Alors que nous sommes privés de l’eucharistie par l’épidémie, écoutons-le qui dit à notre cœur : « donne-moi à boire », présentons-lui notre soif, qu’il y mette l’eau vive. Amen.