Homélie de la Présentation de Jésus au Temple
Comme Syméon, nous sommes venus à l’Église nous aussi, poussés par l’Esprit. En effet, quelles que soient les raisons immédiates qui nous ont amenés ici – l’habitude, la crainte d’une punition, le désir d’un apaisement, le fait d’être le prêtre prévu pour célébrer, etc. – si nous cherchons ce qui fait le fond de notre venue, non pas simplement ce qui fait que nous sommes venus aujourd’hui, mais la raison pour laquelle nous venons à l’église, la raison pour laquelle nous y revenons, nous trouvons en nous une attente et l’église est le lieu où nous croyons en trouver la réponse.
D’ailleurs, nos déplacements sont toujours une quête, l’espoir d’être satisfaits. Nous allons au travail pour nous y accomplir et gagner notre vie, nous allons faire nos courses pour nourrir nos corps, nous partons en vacances pour y trouver la paix et la joie. Notre venue à l’église s’inscrit dans cette quête universelle mais elle sort du rang en la transfigurant ; car, quand nous entrons ici, nous en attendons non seulement quelque chose de plus mais quelque chose qui illumine tout le reste de notre réalité. Il y a en nous davantage qu’un désir d’être nourri, un désir d’être épanoui, un désir d’être en paix. Il y a un désir plus profond encore : nous voulons voir la lumière de notre salut, rencontrer Dieu lui-même face à face, nous voulons aimer et être aimés par notre créateur, nous voulons que le ciel se déchire et réponde à notre appel.
Si souvent nous nous sommes ennuyés sur ces chaises, nous y avons écouté les discours de prêtres qui ne sont pas plus avancés que nous, nous nous sommes approchés pour communier sans bien nous souvenir que le Christ lui-même venait alors nous rencontrer et, dans l’ennui, nous nous sommes parfois demandé ce qui nous poussait à revenir dimanche après dimanche. Certains – ne voyant là que de faibles succédanés pour combler une attente bien plus grande ou renonçant à cette attente même car elle leur semblait irréalisable – ont cessé d’y venir, leurs chaises sont demeurées vides comme signe de ce qui restait en eux peut-être malgré eux du désir de Dieu et d’une soif inassouvie.
Pour nous qui sommes là, nous avons comme Syméon été entraînés par cette attente, car elle était habitée d’une promesse : nous ne verrons pas la mort avant le Christ, le Messie du Seigneur. Notre espérance est là : Dieu nous a promis que quelque chose adviendrait, advient déjà et que cela se passe en notre église. Cependant, au lieu qu’elle la remplisse, la promesse creuse notre attente. Syméon est de ceux qui ont laissé ce désir s’approfondir en eux. Il n’appartient qu’à Dieu de donner la lumière au jour de sa venue. L’œuvre liturgique qui s’accomplit à l’église ne commence pas par combler notre attente mais la creuse avant tout. Les prières prononcées, les chants, le silence, la parole que je prononce ici, rien de cela ne vise en premier à emplir le cœur de ceux qui viennent. En ceci, la messe diffère du spectacle. Nous attendons du spectacle qu’il nous émerveille, qu’il soit beau et que nous le quittions le cœur content et plein d’une nourriture qui nous portera dans la suite des jours. Nous ressortons souvent de l’église sur notre faim, et le malheur n’est pas que nous quittions ce lieu sans être remplis mais que nous en ressortions sans être encore plus profondément affamés.
Il nous faut désirer davantage car Dieu seul comble et il ouvre la faim avant de la rassasier de lui. Comme Syméon porteur d’une promesse et poussé par l’Esprit au Temple, nous reconnaîtrons le Christ qui vient à nous si nous laissons avant tout notre espérance s’approfondir, si notre attente s’accroît, si, venus porteurs d’un désir sommaire voire superficiel, nous n’attendons pas d’être repus à ce niveau-là mais laissons le Seigneur le transformer en un désir essentiel, faire en sorte que nous ne soyons plus capables d’avancer d’un pas sans lui, si venir près de lui nous devient plus nécessaire que la respiration. C’est une telle soif qui pousse aujourd’hui Syméon au Temple et c’est elle qui lui fait reconnaître en un bébé vagissant dans les bras de ses parents la source qui peut la combler.
Dieu nous a fait une promesse. Il vient. Il vient ici. Il vient maintenant. Nous ne verrons pas la mort avant de l’avoir contemplé dans son corps et dans son sang. Que cette promesse creuse en nous l’espérance qui nous fera attendre l’accomplissement de Dieu seul à l’heure qu’il a choisie. Amen.