Homélie du 2e dimanche de l’Avent
« Celui qui vient derrière moi
est plus fort que moi,
et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales. »
Placé au deuxième dimanche de l’Avent tous les ans, Jean-Baptiste nous rappelle à chaque fois que nous ne sommes pas seuls dans notre attente du Christ. Non seulement nous trouvons autour de nous des frères qui sont dans la même attente et qui nous encouragent, mais plus étonnant encore, parmi ces frères certains ont été envoyés pour faire résonner à nos oreilles l’appel de Dieu. Ceux-là, nous les appelons nos maîtres, faute de meilleur terme. Ce sont les étoiles qui illuminent le ciel de notre vie. Par leur parole, ils nous ont indiqué le Christ. Jean-Baptiste est leur saint patron, le panneau indicateur, celui qui ne fait que montrer Jésus, celui dont la vie même est d’indiquer la route. Ce dimanche, nous en faisons mémoire, nous nous rappelons ceux qui, passés ou présents, ont compté et comptent dans notre attente du Christ, ceux qui ont éveillé en nous l’espérance du jour de Dieu en nous proclamant : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche ». Aujourd’hui, nous rendons grâce pour leur présence qui nous a réveillés et a fait de nous des veilleurs.
Par leur vie radicalement évangélique – c’est Jean-Baptiste habillé de poils de chameau et mangeant des sauterelles – et par leur parole tout aussi radicale – « Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? –, ils ont fait naître et avivé en nos cœurs une attente, un désir qu’il appartient à Dieu seul de combler.
Un temps, nous les avons cru nos maîtres. Au sens le plus simple, nous avions raison, mais il nous fallait encore découvrir qu’il est un unique maître : le Christ. C’est lui qui les avait mis sur notre route. Or, tous ceux qu’il envoie en son nom pour préparer son chemin ne sont pas moins nos frères que nos maîtres. Nous l’avons compris quand ces paroles ont enfin atteint nos cœurs : « celui qui vient derrière moi est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales. » Soit qu’ils aient su s’effacer comme Jean-Baptiste pour laisser la place à celui qui les avait envoyés, soit que nous ayons dû les remettre à leur juste place pour que s’établisse en notre cœur le seul maître véritable, est venu un jour où nos maîtres d’ici-bas nous sont apparus pour ce qu’ils étaient : des envoyés, des pas-plus-grand-que-nous, des frères, des ostensoirs qui ne valent que par celui qu’ils nous ont porté.
« Je ne suis pas digne ». Jean-Baptiste ne recourt pas ici à un effet rhétorique, il n’est pas un modeste, il dit la vérité sur son être. Il est la voix qui crie dans le désert. La voix n’existe que tant qu’elle est proférée. Jean-Baptiste n’existe que tant qu’il est envoyé par Jésus-Christ. Que nous reste-t-il de tant de voix qui nous ont éduqués, enseignés, conduits ? Ce que le Seigneur a voulu faire passer par elles. Les voix se sont éteintes, le Verbe demeure.
Comprendre cela, c’est oser à notre tour être des voix. Une fois que nous l’avons rencontré, une fois qu’il s’est établi en nous, le Seigneur nous envoie à notre tour pour porter sa parole, pour être les Jean-Baptiste d’autres. Qui suis-je pour oser parler ? Rien du tout, un pas-digne, un frère, un envoyé de Jésus. Il est le Verbe, nous sommes les voix. Nous ne sommes pas meilleurs, nous sommes tout aussi indignes de dénouer les sandales du Christ mais il lui a plu de fouler la fragilité de nos chemins pour mettre le feu sur cette terre et de passer par nos frêles voix pour embraser les cœurs. Amen.