Homélie du 1er dimanche de l’avent
« L’heure est venue de sortir de votre sommeil »
Le rêveur ignore qu’il rêve, il n’en prend conscience qu’au réveil. Celui qui veille, en revanche, sait bien qu’il est éveillé. Ici, demandez-vous si vous rêvez ; un simple retour sur vous suffira alors à chasser le doute de votre esprit car nous savons instinctivement discerner le rêve de la réalité. En effet, le rêve peut nous faire croire un temps qu’il est réel, il finit toujours par céder sa place au réveil qui nous ramène à la réalité et nous le fait reconnaître imaginaire.
Cette expérience quotidienne de notre capacité à discerner la réalité du rêve nous renseigne sur ce que c’est que de reconnaître une vérité. Il est en nous une capacité à connaître la vérité et, lorsque celle-ci nous apparaît, c’est comme si nous nous réveillions d’un long sommeil, ce que nous croyions jusque-là se révèle être un rêve que nous ne distinguions pas comme tel tant que nous étions dans l’ignorance. Prendre conscience d’une vérité, c’est éprouver un sentiment que ne nous donnent jamais nos conjectures et nos hypothèses.
Ainsi en va-t-il des vérités de notre foi aux jours où nous les intériorisons davantage. Voilà qu’un beau matin, il nous est donné de mieux saisir « Que ton règne vienne », « le Verbe s’est fait chair » ou « Dieu créa le ciel et la terre ». Tout à coup, à la faveur d’une lecture, d’une discussion, d’un temps de prière ou d’un événement apparemment anecdotique, telle ou telle vérité que nous énoncions comme en rêve devient pour nous la réalité qu’elle est et nous en sommes illuminés. Notre esprit, notre cœur, notre être tout entier sont comme à l’unisson de la voix de Dieu en nous tandis que nous sommes emplis d’une confiance joyeuse en notre Seigneur.
L’avent est le temps de la veille, c’est-à-dire l’heure durant laquelle nous demandons particulièrement au Seigneur de nous faire quitter nos chimères et tout ce qui, dans notre foi et notre vie, est illusion, pour accueillir cette réalité divine. Il ne nous appartient pas totalement de quitter le rêve, il est bien des cauchemars dont nous avons voulu nous éveiller sans y réussir. Ce n’est pas nous qui fixons l’heure de l’aube mais nous pouvons nous y disposer en veillant, en ne laissant pas l’illusion du rêve envahir notre vie, en nous disposant à l’accueil de la vérité pleine et entière dont le Christ nous illuminera en son jour. C’est pour cela qu’en cet avent, nous veillons, nous prions dans la nuit, nous prenons sur notre sommeil pour nous tourner vers Dieu. Ainsi, ouvrant les yeux, nous laissons les ténèbres dilater la pupille de notre cœur pour qu’à son heure la lumière y entre à plein. Amen.
À l’état de veille, nous avons conscience d’être éveillés d’une manière que nous ne pouvons pas recréer par l’imagination au cours du sommeil. Quand nous avons trouvé la solution d’un problème scientifique difficile, la conviction que nous en avons est différente de ce que nous éprouvons à propos de simples idées ou conjectures. Quand nous prenons pleine conscience d’une vérité, nous éprouvons un sentiment que n’éprouvent pas ceux qui prennent les mots pour les choses. S’il nous est permis de trouver cet objet véritable et infiniment sacré auquel notre cœur peut s’attacher, il en résultera une plénitude de paix que rien d’autre ne peut nous donner.
Saint John Henry Newman, La pensée de Dieu, assise de l’âme.