
Homélie du 5e dimanche de Pâques
« Tous reconnaîtront »
L’amour rayonne. Il vient à nous du Père, par Jésus ; puis par nous, il peut illuminer le monde. Lorsque Jésus nous dit : « tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. », ce n’est pas simplement pour nous donner un signe distinctif, c’est pour nous dire que l’être même du chrétien c’est de resplendir de l’amour de Dieu.
De ce point de vue, le chrétien est semblable à son maître. En effet, lorsque le Christ dit de lui-même : « Dieu est glorifié en lui » cela signifie que Jésus ne tient pas sa gloire de lui-même. S’il est une lumière pour nous, c’est qu’il reflète le Père ; et nous sommes appelés à entrer dans cette transmission à notre tour. Le Seigneur nous a choisis pour être des reflets de sa lumière. Ceux qui répondent à cet appel sont les saints.
Or, le saint n’est pas plus riche que le pécheur : l’un et l’autre n’ont rien. Le saint et le pécheur sont comme chacun de nous : pauvres. Nul d’entre nous n’a rien dont il puisse se prévaloir, rien dont il puisse dire : cela, c’est moi qui l’ai fait, je ne le dois qu’à moi, ça m’appartient en propre. Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? Le saint et le pécheur sont aussi pauvres l’un que l’autre. Mais, là où nous sommes tentés de cacher notre pauvreté, le saint a compris que son indigence était un canal de la grâce et que la masquer était risquer de le boucher. Le saint a très simplement présenté sa pauvreté au Seigneur, il la lui a ouverte, il est arrivé les mains dépouillées, le cœur vide.
Mieux encore, le saint ne se contente pas de s’ouvrir à Dieu pour être comblé d’amour. Il n’en retient rien pour lui-même. Il sait qu’il est vide mais il ne se préoccupe pas de se remplir, il ouvre tout autant son être à tous les autres. Il s’apparente à un tuyau ouvert aux deux bouts, recevant tout de Dieu pour faire descendre tout vers ceux qui s’approchent de lui.
Pour protéger le peu qu’ils croient avoir, certains se ferment de tous côtés et d’autres essayent de recueillir la moindre parcelle de la grâce en s’ouvrant à Dieu mais en cherchant à tout retenir pour eux. D’autres enfin, par un élan de générosité, veulent tout donner et s’ouvrent aux autres mais, en oubliant qu’ils n’ont rien, ils ne donnent qu’eux-mêmes – c’est-à-dire pas grand-chose – à ceux vers lesquels ils s’avancent.
Le saint n’a rien, ne cherche pas à avoir et, sans rien retenir, donne ce qu’il reçoit de Dieu à l’instant. Ouvert vers le ciel autant que vers le monde, il n’est que transparence à l’amour du Dieu qui peut alors l’illuminer en même temps qu’il rayonne à travers lui. Mais il ne le sait même pas. Les autres voient là l’image même de Dieu ; en contemplant l’amour dont le saint vit, ils reconnaissent en lui un disciple du Christ ; lui n’est préoccupé que de Dieu dont il tient tout et des autres à qui il donne tout. Amen.