
Homélie du 4e dimanche de Pâques
« Mes brebis écoutent ma voix »
La voix du Pasteur est la première qui a retenti. C’est elle qui nous a donné la vie en disant : « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance ». Un peu plus tard, alors que l’homme s’était éloigné, c’est la même voix que l’on entend dire : « Adam, où es-tu ? » C’est la voix de Dieu qui crée et renouvelle l’être humain. La voix ne peut pas s’affranchir des mots mais, en même temps, elle donne vie et épaisseur aux mots. Il n’est qu’à penser à cette expérience que nous faisons lorsque nous entendons les mots les plus banals prononcés par une voix bien-aimée. En effet, certaines voix ont pour nous quelque chose d’extrêmement intime ; nous les reconnaissons encore au milieu d’un brouhaha, elles nous arrêtent là même où d’autres sons ne nous avaient pas distraits. C’est qu’elles pénètrent immédiatement au plus profond de nous : à l’intime, la voix de ceux que nous aimons vient étendre sur notre cœur une consolation, un peu comme la douceur d’un rayon de soleil dans la fraîcheur de ce printemps, à cela près qu’elle ne se contente pas de nous réchauffer à la surface de nous-même mais entre au cœur de notre être, là où nous avons le plus besoin de la chaleur et de la présence d’êtres aimés.
Dans L’Incompris – un film italien des années 60 – il y a ces scènes poignantes d’un père et de son fils qui, ayant perdu l’un son épouse et l’autre sa mère, écoutent chacun en cachette de l’autre ce qu’il leur en reste : sa voix enregistrée sur la bande d’un magnétophone. Alors que la mort les a séparés de celle qui les aimait, ils retrouvent l’un et l’autre quelque chose de l’intimité qu’ils ont connue avec elle dans cette voix qui semble avoir survécu à la mort. Le jour où, par une erreur de manipulation, le fils efface la bande, c’est comme si sa mère avait définitivement disparu.
L’attachement que nous avons à une voix particulière est difficile à saisir. Autant nous serions capables de la reconnaître entre mille, autant il est difficile de la décrire et d’expliquer ce que nous y reconnaissons. La familiarité avec elle ne nous a pas été donnée en un instant, elle est le fruit du temps, des heures que nous avons passées à l’entendre, qui ont forgé notre cœur et l’ont rendu sensible à ses accents et à son timbre. Lorsque nous prions, nous ouvrons l’oreille de notre cœur à une voix plus intime que toutes. La prière aiguise en nous l’attachement à la voix de Dieu autant qu’elle nous donne de l’entendre. Si parfois cette voix-là ne nous dit rien, c’est qu’elle n’a pas encore formé notre cœur à son écoute. A force de chercher à l’entendre dans le silence, le Seigneur nous rend sensibles à sa voix toute particulière. Il nous donne d’être de ses intimes, de ces brebis dont il dit qu’elles écoutent sa voix, qu’il les connaît et qu’il leur donne la vie. Si la voix du Seigneur est entrée en nous à ce niveau d’intimité, alors plus jamais elle ne nous quittera, nous sommes par elle liés à lui et nul ne pourra nous arracher de sa main. Amen.