
Homélie du 2e dimanche de Pâques
« Mets ta main dans mon côté »
Jésus, c’est Dieu qui se remet entre les mains des hommes. Lui qui avait façonné Adam à partir de la poussière du sol s’abandonne à ceux qu’il a créés pour qu’ils fassent de lui ce qui leur plaît. Dans le Christ, Dieu ne s’est pas contenté de se faire homme, il a accepté d’être à la merci des pécheurs, il a laissé les hommes le tenir, le saisir, le pétrir en le clouant au bois de la Croix.
Quand ils purent faire de lui ce qu’ils voulaient, les pécheurs l’ont pris et l’ont tué. Ayant vu cela, Thomas ne réclame rien d’autre que de continuer à mettre la main sur lui. Puisque son maître s’est soumis à un tel abaissement, il réclame de l’avoir lui aussi en son pouvoir. « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! » Comme les pécheurs qui ont crucifié Jésus, Thomas souhaite que le salut soit entre ses mains. Si ceux-là l’ont pris et mis sur la croix, pourquoi lui, l’apôtre, n’aurait-il pas aussi le droit de le prendre, de toucher les marques qu’ont faites les hommes dans ses mains, ses pieds et son côté ?
Comme Marie au tombeau se plaint que l’on ait emporté le corps de son maître et veut ensuite le saisir, Thomas demande de tenir la main que les hommes ont clouée. En lui, Jésus manifeste la manière dont il nous sauve : alors que nous pensions peut-être que Dieu viendrait d’en haut nous prendre dans ses bras pour nous conduire au ciel, nous découvrons qu’il nous sauve en se laissant attraper par nous.
Jésus est ressuscité au jour de Pâques, mais encore faut-il que cette résurrection parvienne jusqu’à nous. En Thomas, nous est dévoilée la manière dont elle va nous atteindre. C’est en plongeant la main dans le côté du Christ, en mettant ses doigts dans les blessures de ses mains et de ses pieds que Thomas reçoit du Christ la foi qui sauve. Le Christ retourne la logique de ses souffrances. Les hommes lui avaient planté des clous dans les mains et les pieds pour l’humilier, le mettre à mort, et ainsi le rabaisser à leur niveau, ils ont sans le savoir ouvert au monde le refuge du cœur de Dieu : désormais, le Christ donne la vie à ceux qui viennent s’abriter dans ses blessures.
Le salut nous est ainsi prodigué lorsque nous plongeons en elles. Lorsque nous demandons au Christ – suivant une très vieille prière – de nous cacher dans ses blessures, lorsque nous nous approchons des souffrants et des blessés, le Christ nous donne par eux la vie ; toutes les fois où nous renonçons à faire de nos douleurs des étendards pour les laisser devenir compassion, pour les unir à celles de Jésus, pour les laver de son sang et les déposer contre ses plaies, le Christ nous donne sa vie. Amen.