
Homélie du 3e dimanche du temps ordinaire
« Le Seigneur m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres »
C’est un sabbat et Jésus vient à la synagogue « selon son habitude ». Pourtant, cette fois-ci, quelque chose sera différent. Ce qui change, c’est une parole. C’est le jour où le mot est dit, le jour dont on se souvient, le jour où l’on a parlé, la fois où l’autre a prononcé mon nom, la minute où l’on a livré ce que notre cœur retenait depuis longtemps, l’instant où l’on a osé prendre la parole pour dire la gravité de l’heure. Que ce soit dans la formalité d’un discours de mariage, dans l’épaisseur d’un échange intime ou dans la profondeur de quelques mots volés à la platitude d’une journée sans relief, c’est l’heure où la parole vient nous libérer, nous nourrir, nous construire. Dans ces moments, une parole a tout changé.
Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. Lorsque le Seigneur prononce les mots consignés dans le livre, ils deviennent porteurs de vie. Il ne fait pas simplement l’annonce qu’ils le seront, il n’annonce pas un bienfait à venir mais sa parole même donne la vue, libère et comble. Nous avons soif de cette parole de vérité, celle qui nous révèle à nous-mêmes, celle qui fonde une relation ou la renouvelle. Sans elle, nous mourrons étouffés sous tous les mots qui n’ont pas été dits.
Pourtant, la plupart de ces paroles libératrices ne sont pas venues nous apporter un contenu nouveau, elles ont simplement mis au jour le trésor qui était déjà en notre possession mais dont nous n’avions pas l’usufruit. L’évidence d’un amour ne suffit pas, il faut qu’il soit énoncé pour illuminer ; deux amis qui se savent porteurs de la même bonne nouvelle ont encore le désir de se l’échanger pour en être nourris. Tant que les mots ne sont pas prononcés, tout est peut-être là, l’essentiel reste néanmoins sous la surface. Nous avons besoin que la vérité soit mise au jour. Il ouvrit le livre du prophète Isaïe. Lorsque Jésus se lève à la synagogue de Nazareth, il commence par reprendre ce qui a été révélé à Israël par le prophète Isaïe. Afin que tu te rendes bien compte de la solidité des enseignements que tu as entendus. Lorsque Luc démarre la rédaction de son évangile, il n’entend pas apprendre de nouvelles choses à Théophile, son destinataire. La puissance de ces mots ne réside donc pas tant dans un contenu nouveau que dans une parole qui, tel le souffle de vie, vient recréer ce qui est déjà là. Nous avions tous les éléments, la parole vient leur donner chair. Les enseignements et les textes des Écritures sont morts pour nous tant que nous ne les entendons pas de la bouche même de Jésus.
Si, à certains moments, cette parole nous est apparue dans sa nouveauté, s’il nous est arrivé qu’elle vienne nous frapper le cœur sans prévenir, le reste du temps cela ne se fait pas sans peine et c’est généralement ce qui nous retient de l’entendre. Pour qu’elle nous renouvelle, il faudra avoir attendu comme une terre desséchée, s’être abîmé les yeux sur le texte de l’Évangile, avoir embrassé ce qu’il en coûte d’accueillir la vérité. C’est en nous brûlant, que la parole nous rend la vue, en réveillant nos rigidités qu’elle nous libère et en rouvrant nos blessures qu’elle les guérit. À ce prix, sommes-nous prêts à laisser la parole du Christ agir en nous ? Amen.