
Homélie du 4e dimanche de l’Avent
« Marie se rendit avec empressement vers la région montagneuse »
Le trajet précipité de Marie vers sa cousine Élisabeth fait contrepoint à la patience que Dieu a déployée pour venir parmi les hommes. Voilà des siècles que le Seigneur prépare son peuple. Élisabeth et Zacharie en sont d’ailleurs les exemples vivants, eux dont la supplication est montée vers Dieu pendant tant d’années avant que ne leur soit annoncée la naissance de Jean-Baptiste. Avant, bien avant, il y eut Abraham, Isaac, Jacob, Joseph, Moïse et Aaron, Josué, Samson, Gédéon, Saül, David et Salomon, des rois et des rois, Isaïe, Jérémie, Daniel, Ezéchiel et tant de prophètes. Depuis le jour où fut prononcée cette promesse : « Je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel », des siècles ont passé. Le Seigneur y était patiemment fidèle, il l’accomplissait au rythme de l’homme et il passa longtemps à tisser un cœur accueillant à sa présence.
Lorsque naquit Marie, la longue attente touchait à sa fin. Le Seigneur vit en elle celle qui pourrait lui dire oui mais il fallut encore laisser à cette enfant le temps de grandir et d’être à même d’aimer, de choisir et de recevoir en son corps le Sauveur du monde. Dieu lui-même acceptait d’être suspendu à la fragile existence d’une petite fille, de voir en elle s’épanouir lentement le cœur dont il espérait un oui tant attendu.
Qu’est-ce qui presse donc tout à coup ? Si le Seigneur inspire à Marie cette hâte, c’est que, malgré la longueur des années préparatoires, il n’a pas cessé d’être impatient de retrouver sa créature bien-aimée. Élisabeth et Jean-Baptiste, les tout-premiers à rencontrer le Christ, sont l’image de cette humanité que le Seigneur aime d’un amour brûlant. Dès qu’il l’a pu, il est venu à eux en courant. Nous découvrons en ce jour que le Seigneur, se tenant depuis le premier des péchés au bord du gouffre derrière lequel nous l’avions rejeté, rêvait du jour où il pourrait enfin nous retrouver.
Les amoureux savent que cette hâte n’a rien d’incompatible avec la patience. L’une et l’autre se renforcent au contraire. Le même amour qui respecte infiniment le rythme de l’aimé et l’heure de son bon plaisir, est prêt à y répondre avec empressement dès que ce moment se présente. La hâte de Dieu au jour de la Visitation ne l’entraîne d’ailleurs à aucune brusquerie et, après ces quelques épisodes de l’enfance – la rencontre avec Élisabeth, l’adoration des bergers, celle des mages – il passera encore trente longues années dans le secret de Nazareth avant de pouvoir définitivement emporter l’homme dans sa victoire. Il y a dans ces premiers passages la lumière d’une relation naissante ; le Seigneur la laissera mûrir encore pour qu’elle porte son fruit.
En regardant Marie portant en elle le Dieu-embryon et s’empressant d’aller porter sa présence à sa cousine, nous contemplons Dieu lui-même qui vient amoureusement à nous, qui attend patiemment notre bon vouloir et se précipite pour franchir toutes les distances. C’est l’heure d’entrer dans le désir de Dieu, de lui demander la même hâte délicate, la même patience empressée. Amen.