Ambition

IMG_1231 - copie.jpgHomélie du 29e dimanche du temps ordinaire

« Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? »

Cette question a de quoi faire trembler les parents qui l’entendent, « Comment vivre du ciel ? Comment vivre vraiment et pleinement ? » demande la jeunesse ; y répondre nettement, c’est montrer le chemin des hauteurs tout en sachant ce qu’il en coûtera. Bien que redoutant le prix à payer, les parents ambitieux ne désirent pourtant pas moins pour leur progéniture. Qui ne serait pas fier et heureux d’avoir pour fils un Mermoz, d’avoir pour fille une mère Teresa ? Pourtant lequel d’entre nous n’aurait pas chancelé en voyant la chair de sa chair se diriger vers les hauteurs de l’existence, tout risquer pour une traversée de l’Atlantique, abandonner sa vie entière entre les mains de Dieu ou des pauvres ?

Notre père des cieux n’a pas moins d’ambition pour nous. Lorsqu’un homme s’avance vers Jésus pour poser cette question : « Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? », il ne se contente pas de lui rappeler les commandements, il l’entraîne plus loin que lui-même. Le Christ semble n’attendre que l’expression de son désir qui rétorque : « Tout cela je l’ai observé depuis ma jeunesse. » et réclame davantage. Il ne suffit pas à cet homme d’être un gentil garçon, de respecter la loi, d’être quelqu’un de bien, il veut vivre. Avant de répondre, le Seigneur contemple cette aspiration immense dans le cœur de l’homme, il y reconnaît l’image du créateur déposée en lui. Jésus posa son regard sur lui et il l’aima.Le Seigneur aime cet homme qui ne se contente pas de peu, qui se présente ouvert, disponible, désireux d’accueillir l’ampleur du projet divin.

Là où l’homme est prêt à l’entendre, il ose exprimer l’ambition divine. Il sait déjà qu’elle ne se donne pas sans peine. Dieu appelle l’homme à se donner tout entier avant de pouvoir le combler de lui. Le passage est étroit, aussi étroit qu’un trou d’aiguille. Il sait aussi que l’homme est un chameau qui accepte mal d’être dépouillé. Pourtant, lorsque l’un d’entre nous se présente à lui et désire véritablement recevoir la vie divine, le Seigneur se prend à espérer qu’il a trouvé un cœur humain qu’il puisse combler, un cœur prêt à se laisser appauvrir pour recevoir la vraie richesse, un cœur affamé qu’il puisse nourrir de lui-même. Aussi ose-t-il ces mots invraisemblables d’audace : « Va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres puis viens, suis-moi. ». Jésus n’ignore pas ce qu’il demande à cet homme qu’il vient de rencontrer. Comme un père fixant à son fils un objectif sans bien savoir s’il pourra aller au bout, il craint de le voir renoncer, de le voir souffrir, de le voir craquer ; pourtant, comme ce même père, il ose, il prend le risque. Un père, une mère ne peut indiquer que le meilleur à son enfant qui lui demande le chemin. Ainsi en va-t-il du Christ.

On ne saura jamais la fin de l’histoire de ce juif trop comblé de biens ; pour l’instant, il part contristé et renonce, au moins pour un temps, à la route des sommets qui lui paraît encore trop inaccessible. Son erreur fut certainement de penser que l’ambition divine tombait sur lui toute nue, il oubliait qu’en l’appelant vers le haut, le Seigneur lui donnerait aussi les moyens d’aller si loin. Ce n’est pas en lui-même qu’il devait chercher la force de renoncer à ses grands biens, mais en tournant à son tour son regard vers le Christ pour implorer sa grâce et qu’elle l’emmène là où il n’imaginait pas pouvoir aller.

Pour notre part, levons les yeux vers celui qui pose l’amour de son regard sur nous. Il désire plus pour nous que nous n’osons l’imaginer. Osons croire qu’il peut combler notre cœur de sa vie pour peu que nous acceptions qu’il nous dépouille de ce qui nous retient et nous empêche si bien de nous élever à la hauteur pour laquelle nous sommes faits et à laquelle il ne cesse de nous appeler : celle de la vie éternelle, celle des saints. Amen.