Fais un effort

national-film-registrysaving-private-ryanomaha-beach.jpgHomélie du 13ème dimanche du temps ordinaire

« Elle avait souffert du traitement de nombreux médecins »

Jaïre quitte sa fille mourante pour aller à Jésus. Son choix révèle la différence entre soigner et guérir alors qu’il délaisse le soin pour le salut. Tous soignent, un seul guérit. Le roi touchant les écrouelles le proclamait en disant : « Je te touche, Dieu te guérit ». Voilà une fille pour laquelle son père ne peut plus rien, voilà une femme pour laquelle les médecins n’ont rien pu faire qu’aggraver son état. À cette limite à laquelle touche l’homme, il mesure qu’en réalité il n’a pas la main, que l’ennemi est trop puissant.

Malgré les immenses capacités dont le Seigneur nous a comblés, nous n’agissons jamais qu’à la marge. Nous ressemblons à ces trois infirmiers d’Omaha Beach que l’on voit au début du film Il faut sauver le soldat Ryan. Ils essaient vaillamment d’arrêter l’hémorragie d’un blessé sous la mitraille. Au moment où ils y réussissent, une balle vient transpercer le casque de l’homme ensanglanté et le tue. L’un des infirmiers jure en disant : « Give us a f. chance ! »

On peut tenter tout ce qu’on veut, il n’y a aucune chance que cela se finisse bien. Nos efforts désespérés ne porteront de fruit que s’ils s’inscrivent dans l’action d’un plus puissant. En se tournant vers Jésus, Jaïre ne renonce pas aux secours humains, en touchant le Christ la femme ne renonce pas aux médecins, l’un comme l’autre demandent au Seigneur d’achever ce que les hommes ont maladroitement tenté de commencer, ils le prient de couronner leurs échecs de succès.

En effet, la femme hémorroïsse a sans doute cru un temps que les médecins allaient la guérir. Elle n’a pas refusé leur secours mais elle ne s’y est pas cantonnée et a encore moins renoncé devant leur incapacité. Au contraire, lorsque, usée par les essais divers de la médecine, elle a compris que cette dernière pouvait soigner mais que la guérison appartenait à un autre, elle a tendu la main. Il y a deux manières de s’acharner : en plaçant tout son espoir en cet acharnement même ou bien en faisant que cette lutte ouvre nos mains à la réception du salut qui nous vient d’un autre. Nos efforts sont incapables de nous obtenir le salut, ils ne valent que s’ils accueillent celui qui peut donner la vraie victoire.

Il fallait cette foi à Jaïre pour oser encore « déranger le maître » alors même que les secours humains avaient manifesté leur défaite. D’autres secours étaient d’ailleurs déjà en place, ceux que l’on fournit aux endeuillés : les pleureurs et les consolateurs. Lorsque l’homme doit manifestement renoncer, il n’a plus d’autre choix que de s’abandonner au seul qui puisse sauver. Ce moment clé que sera notre mort n’est pas en avant de nous, il se prépare déjà par la manière dont nous agissons, combattons, vivons en ce monde. Il n’y a pas d’un côté ce que nous faisons et de l’autre l’action de Dieu qui prendrait le relais au moment où nous aurions atteint notre limite. Au contraire, c’est dans la mesure où nous le laissons déjà emplir nos efforts d’aujourd’hui, être à leur origine autant qu’à leur accomplissement, que nous pouvons espérer nous abandonner totalement à lui le jour où nous n’aurons plus d’autre secours.

Avec la femme qui vient toucher le manteau de Jésus, avec Jaïre, nous pouvons nous demander aujourd’hui ce sur quoi nous nous acharnons vainement. Avec la femme, touchons le manteau de Jésus et laissons-le se retourner vers nous ; avec Jaïre, invitons-le dans la demeure de notre âme à y sauver nos désirs encore enfants et pourtant déjà morts. Ne renonçons à rien de ce qui semble définitivement perdu, agissons comme si tout dépendait de nous en sachant que tout dépend de Dieu. Dans notre prière de ce dimanche, présentons au Seigneur nos projets, nos désirs, nos échecs et laissons-le les emplir de sa vie. Amen.