Homélie du 11e dimanche du temps ordinaire
« Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette la semence
[…]
[Le règne de Dieu] est comme une graine de moutarde »
Jésus est le semeur et la semence. Il est l’homme qui sème et il est la graine jetée en terre. Il est celui qui laisse grandir et celui qui germe en nous. Il est caché et visible, il est le discret grain de moutarde autant que l’arbre aux longues branches dans lesquelles nous pouvons nous abriter. Les images de l’évangile d’aujourd’hui sont contradictoires par bien des aspects : pour connaître le Christ et son amour pour nous, nous avons à laisser ces différents aspects des paraboles mûrir ensemble en nous.
Nos églises aussi portent cette antinomie : sur une placette cachée, se découvre soudainement notre église, gigantesque édifice en brique surmonté d’un ange doré – a-t-on cherché à la cacher ou à la montrer ? Nous entrons, ses voûtes immenses nous accueillent et nous offrent l’hospitalité, elles sont comme les branchages d’une forêt dont les racines plongent dans le tabernacle. De ce petit coffre inaperçu de bien des visiteurs jaillit la sève qui donne vie à l’édifice et lui permet de nous protéger.
Dans son tabernacle, Jésus est visible et caché : visible par la taille de l’édifice qui l’abrite, mais caché comme une graine sous la terre ou comme un semeur rentré se reposer après les semailles. L’évangile dit même qu’il « ne sait comment » la semence germe en nous et, effectivement, le Christ nous apparaît comme à distance, ignorant de nos épreuves, nos difficultés et nos doutes. Souhaite-t-il donc que nous vivions en sa présence ou loin de lui ? Pourquoi nous a-t-il donné la foi en lui si c’était pour paraître si lointain ? Jésus notre Seigneur semble sommeiller et nous décidons alors de venir l’y réveiller par notre prière. Voilà donc que nous nous approchons de lui, nous venons à son autel car nous avons deux mots à lui dire : qu’est-ce que ce maître qui ne s’occupe pas de son domaine, qui ne se préoccupe pas de sa semence, qui dort et qui ignore ?
Là, au creux de la prière, replongeant nos racines vers lui, nous découvrons qu’il n’a cessé d’être à nos côtés, ou mieux encore en notre cœur. Nous avions cru lui être indifférents, nous avions pensé être abandonnés alors qu’il confiait l’œuvre à notre volonté et nous établissait comme ses collaborateurs, ses égaux, ses bien-aimés. Nous levons la tête et nous nous souvenons alors qu’il ne nous a pas délaissés, qu’il n’a cessé d’étendre au-dessus de nous sa protection, comme les voûtes de nos églises, comme les longues branches jaillissantes de la minuscule graine de moutarde. Ce feuillage a poussé sans un bruit, sans que nous nous en apercevions, petit à petit : l’église nous est devenue un refuge, nous y avons rencontré des frères, nous avons trouvé dans la prière un abri. Bien sûr, nous sommes et restons seuls car nul autre ne peut affronter les épreuves de notre existence, mais le Seigneur se joint à notre combat quotidien, il vient l’habiter en étant nos racines, en faisant jaillir en nous sa sève et en nous cachant sous son ombre.
Par la délicatesse des paraboles et leur pouvoir évocateur, c’est tout cela que Jésus nous rappelle sans briser notre liberté. Il est au début et à la fin de chacune de nos vies, il est celui qui a semé en nous la parole de Dieu et il est cette parole même qui nous donne d’avancer, il est celui qui ne veut rien accomplir en nous sans nous. En ce jour, choisissons de nous confier à celui qui nous fait confiance pour grandir selon sa grâce. Amen.