Dans l’attente

IMG_0612.JPGHomélie du 7e dimanche de Pâques

« Ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi je n’appartiens pas au monde. »

Notre Église est l’institution de l’attente. Durant ces neuf jours qui séparent l’Ascension de la Pentecôte, nous sommes ramenés à la vocation centrale de l’Église : ouvrir dans ce monde un espace prêt à accueillir le Seigneur. L’évangile de ce dimanche, nous fait entendre Jésus lui-même attendant de recevoir du Père. En effet, il ne prétend même pas faire par lui-même l’unité de ses disciples ; elle se fera en lui mais non sans l’action du Père : « Garde mes disciples unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné ». Jésus proclame ainsi qu’il n’y a pas de paix, pas d’unité durable sur cette terre sans qu’elles soient reçues de Dieu. L’Église est le rappel permanent de cette simple vérité.

« Ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi je n’appartiens pas au monde. » Il n’est pas question de se préserver du monde ou d’en être retiré ainsi que le précise le verset précédent. Bien plutôt, Jésus appelle les chrétiens à agir au milieu du monde sans agir comme le monde. Ce qui nous distingue des autres hommes différencie la Pentecôte de Babel : alors que l’humanité peine et lutte pour construire par elle-même un monde nouveau, pour sortir de la souffrance, pour éteindre la guerre, et aller jusqu’à détruire le mal lui-même, nous sommes persuadés que nos efforts sont inutiles sans la grâce de Dieu, c’est-à-dire sans l’Esprit Saint répandu sur nous.

Lorsqu’à Babel les hommes ont cherché à s’allier pour monter jusqu’au ciel, ils se sont retrouvés plus divisés que jamais, incapables de se comprendre, séparés qu’ils étaient par la diversité des langues. À la Pentecôte, les apôtres ne faisaient rien que prier et ils reçurent l’Esprit Saint qui leur donna de se comprendre, de comprendre et d’être compris par chacun dans sa propre langue. Toutes les fois où nous cherchons à nous sortir de l’ornière par nous-mêmes sans l’aide de Dieu, nos victoires sont éphémères ; elles présagent de chutes plus grandes encore, car si nous pouvons lutter par nos propres forces contre les ennemis extérieurs, seul l’Esprit Saint peut repousser le véritable ennemi qui poursuit son œuvre maléfique à l’intérieur de nous.

Aussi l’Église n’est-elle là que pour ménager sur cette terre un espace. Ses cloches nous convoquent à la messe où nous passons un temps qui, perdu aux yeux des hommes, est pourtant l’un des moments de notre semaine les plus fructueux car celui où nous nous disposons pour accueillir le Seigneur. Ses prêtres nous rappellent à temps et à contretemps de ne pas vivre en circuit fermé, de ne nous contenter de rien de moins que Dieu et de nous préparer à le recevoir ; leur parole est inutile aux yeux des hommes industrieux – « Mieux vaut agir ! » disent-ils – elle ouvre pourtant nos cœurs à l’action divine qui les renouvellera et nous donnera le vrai bonheur.  Dans le monde sans en être, les fidèles du Christ ne prétendent pas être des modèles, ils sont simplement les mains ouvertes qui empêchent le monde de se refermer sur lui-même, ils mendient la présence de Dieu et crient : « Viens Seigneur, Maranatha ». Amen.