Homélie de l’Ascension
« Jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à la stature du Christ dans sa plénitude »
Au ciel et à la droite de Dieu, Jésus est à la seule place qui lui siée. « Tu nous as fait pour toi Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en toi » ; au jour de l’Ascension, nous contemplons en Jésus l’accomplissement du désir placé par le Créateur dans le cœur de l’homme. Il nous faut faire un effort d’imagination pour comprendre ce désir et en supposer la puissance en Jésus car il y est parfaitement pur, sans les succédanés avec lesquels nous tentons vainement de le tromper en nous. Le Christ en témoigne d’ailleurs en de nombreux endroits de l’Évangile : « Combien de temps vais-je rester près de vous et vous supporter ? » (Lc 9, 41), « Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli ! » (Lc 12, 49), « Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père » (Jn 14, 28), « Glorifie-moi auprès de toi, Père » (Jn 17, 49).
En effet, si Jésus nous aime, ce n’est pas au détriment de son Père mais au contraire pour nous attirer à lui ; c’est pour nous révéler l’objet de notre désir et pour nous donner de le recevoir qu’il est descendu parmi nous. En remontant au ciel, il est comblé par le Père auquel il n’a cessé d’aspirer et il nous entraîne dans cette même espérance.
Il y a dans le cœur de chaque chrétien une soif que rien sur terre ne saurait combler. Si nous sommes dans l’Église, c’est que nous savons que nous sommes faits pour le ciel, c’est que nos cœurs ne peuvent se contenter de ce monde. Lorsque nous venons à la messe, nous venons brancher nos vies sur le ciel et nous exposer quelques instants à la lumière divine qui est notre attente. Sans renier les joies que nous donne ce monde, nous savons que nous sommes faits pour plus grand encore.
Il est vrai que cette soif inextinguible est douloureuse lorsqu’elle n’est pas comblée, aussi avons-nous pu tenter d’éteindre en nous ce désir les jours où il s’est fait trop brûlant, lorsque nous avions l’impression qu’il nous empêchait de vivre ; heureusement nous n’y sommes pas parvenus car ce désir, loin de nous empêcher de vivre, nous retient de végéter. Il nous donne de ressentir au tréfonds de notre être que nous sommes faits pour bien plus. Il nous donne de ne pas nous contenter de petite monnaie. Nous sommes capables de Dieu – capax dei – affirme la pensée chrétienne depuis les origines.
Dieu plus grand que notre cœur veut y demeurer et, pour cela, il l’élargit à ses dimensions. Ce n’est pas à nous de réduire Dieu à notre petitesse, c’est lui qui s’est fait semblable à nous pour nous donner d’être aussi grands que lui. En retournant au Père, le Christ donne sa dimension véritable à l’humanité. En le contemplant, nous le laissons ouvrir en nous un désir du ciel encore plus large, nous acceptons d’en souffrir pour attendre de lui seul la plénitude de notre être. Amen.