Homélie du 4e dimanche de Pâques
« Je suis le bon pasteur »
Jésus n’a jamais gardé une brebis de sa vie. En se présentant comme le bon berger, il convoque en fait les bergers de l’Ancien Testament que Dieu avait appelés à conduire le peuple d’Israël. Cette constance de Dieu à appeler des gardiens de troupeaux pour en faire les guides de son peuple est signe d’une connivence entre l’une et l’autre de ces deux vocations. Depuis Abel, l’Écriture fourmille de bergers que Dieu choisit. Regardons ici trois d’entre eux : Joseph, Moïse, David. Ils nous montreront qu’être berger prédispose à devenir roi ou prophète car le berger nourrit et libère au risque de sa vie. Ils préfigurent ainsi Jésus, le vrai berger.
« Joseph faisait paître le petit bétail. » (Gn 37, 2) La première mission du berger, c’est de faire paître le bétail, autrement dit de le nourrir. Joseph, le fils de Jacob, faisait paître le bétail jusqu’à ce que ses frères jaloux ne le vendent comme esclave. Envoyé en Égypte, il deviendra celui qui nourrit non plus les brebis mais ses frères mêmes au jour de vaches maigres. Dieu l’avait choisi d’avance pour être la main qui sauverait son peuple de la famine.
« Moïse était berger du troupeau de son beau-père Jethro. Il mena le troupeau au-delà du désert. » (Ex 3, 1) C’est en conduisant les brebis « au-delà du désert » que Moïse découvre le buisson ardent et entend la voix du Seigneur qui l’appelle pour libérer son peuple. Le berger est celui qui libère les brebis. Sans lui, elles n’iront que de brin d’herbe en brin d’herbe, se contentant de peu, sans oser traverser l’étendue désertique qui peut pourtant être le chemin des gras pâturages. Il faut la voix du berger qui les attire, sa crosse qui les pousse pour qu’elles acceptent de s’avancer dans l’épreuve. Moïse est ce berger-là. Sa mission sera de conduire les Hébreux, de les appeler à quitter l’esclavage de l’Égypte et son confort relatif pour marcher, au risque du désert, vers la Terre promise.
« David dit à Saül : “Quand ton serviteur était berger du troupeau de son père, si un lion ou bien un ours venait emporter une brebis du troupeau, je partais à sa poursuite, je le frappais et la délivrais de sa gueule.” » (1 S 17, 34-35) David prononce cette phrase alors qu’il se propose pour s’avancer contre Goliath. En protégeant les brebis de son père contre les dangers, il a appris à se donner pour elles. C’est cette qualité qui fera de lui le vainqueur de Goliath, le sauveur du peuple et le roi d’Israël.
C’est dans le souci des brebis, leur odeur plein le nez et leurs bêlements plein les oreilles, que David, Moïse et Joseph ont appris à devenir les pasteurs du peuple. Le Seigneur a fait de leurs troupeaux l’humble école de ceux qui mèneront son peuple car l’attention aux bêtes forgeaient des cœurs de prophètes et de rois. Si Jésus reprend cette image du pasteur pour se l’attribuer, c’est qu’il est le nouveau Joseph, le nouveau Moïse, le nouveau David. Il est celui que ces figures annonçaient. Les bergers qui viennent l’adorer à la crèche sont les représentants de ces bergers des anciens temps venus reconnaître en lui la fécondité du germe qu’ils étaient. En effet, Jésus rassemble en lui les qualités de chacun de ces bergers : prêt à donner sa vie pour les brebis, il nous libère en nous entraînant à travers le désert de l’épreuve vers la vie véritable dont il veut nous nourrir. Amen.
Saint-Michel – 22 avril 2018