Les réalités d’en haut

me8979843-yellow-star-cross-lens-flare-center-4k-a0180-posterHomélie du jour de Pâques

« Recherchez les réalités d’en haut »

Le Sauveur est mort. C’est d’ailleurs dans l’ordre des choses : ici-bas rien n’est lumineux qui ne finisse par être enténébré, rien n’est jeune qui ne finisse par vieillir, rien n’est saint qui ne finisse par être souillé. Tout périt, ce n’est qu’une question de temps. Nos entreprises n’ont qu’un moment, la durée de nos existences est comptée et même ce que nous avons de plus précieux nous est un jour ou l’autre retiré. Nous ne remportons que des demi-victoires, ne pouvons que retarder l’échéance, jamais la supprimer. D’ailleurs, si Jésus n’était pas mort sur la croix, il aurait bien fini par mourir d’une autre manière. C’était inéluctable, comment ses disciples ont-il pu croire en lui ? Et nous, qu’espérons-nous donc encore ? En ce jour, Marie-Madeleine, Pierre, Jean n’espéraient plus rien. C’était une nuit sans aurore.

Au matin de Pâques, une lumière resplendit. C’est la plus inattendue, la plus surprenante des lumières. Cela commence comme un petit rien mais c’est déjà tout car l’étincelle a suffi à détruire les ténèbres. Jean n’a pas encore vu son Seigneur ressuscité que le signe du tombeau vide lui donne de croire. Un germe nouveau perce là où rien ne pouvait plus pousser. Il était mort, il ne l’est plus. Dans l’évangile que nous avons lu, nul ne l’a encore vu et pourtant tous sont déjà passés de la désolation à l’espérance. Avant même que leurs bouches ne soient capables de crier : « Il est vivant », avant même que leurs esprits n’aient saisi ce qu’est la résurrection, déjà le cœur de Jean, celui de Pierre, celui de Marie-Madeleine s’emplissent d’une joie nouvelle. Ils n’osent peut-être pas y croire mais ils y croient pourtant. Il leur faudra encore voir leur Seigneur, le prendre dans leurs bras, l’entendre parler à leur oreille et partager avec lui le repas pour que cette joie s’épanouisse en eux ; pourtant elle est déjà là tout entière comme la fleur dans le bourgeon.

Elle est apparue en eux alors qu’ils ne l’attendaient pas, que rien ne la laissait prévoir car quelque chose de parfaitement neuf surgit en ce matin, une création nouvelle, plus neuve que la précédente. Il était mort, il est vivant, pleinement vivant, à jamais nouveau-né. Pour la première fois dans l’histoire du monde, l’usure du temps n’a pas eu raison, la mort n’a pas eu le dernier mot. Elle n’a fait que manifester en pleine lumière la puissance du Christ et la gloire de Dieu. Pâques, c’est littéralement le monde à l’envers : l’enfance après la vieillesse, la nouveauté après l’ancienneté, l’innocence après le péché.

Tout cela sans remonter le temps car on ne refait pas ce qui a été défait, on ne retombe pas en enfance ; c’est en avant de nous que se tient notre espérance. En nous résonne l’appel d’une source pure et, en Jésus ressuscité, nous puisons déjà à la source de cette vie éternelle. Cette nuit, Sandrine, Karl et Raymond, aujourd’hui, Rose-Marie, Darren et Jules, six de nos frères auront reçu le baptême en cette fête. Ce baptême est la vie qui ne s’étiole pas : lorsque nous sommes atteints pas l’âge, lorsque nous sommes blessés, lorsque même nous sommes souillés par le mal, notre baptême demeure en nous l’image éternellement nouvelle et inaltérable de Jésus. C’est une source qui grandit jusqu’à devenir un fleuve immense capable de tout laver, de tout renouveler, même ce qui semblait à jamais perdu. Amen.

 

 

« Les enfants sont plus mes enfants que les hommes. Ils n’ont pas été défaits par la vie de la terre » Charles Péguy, Le Porche du mystère de la deuxième vertu