Ce qu’il y a dans l’homme

1467372102299Homélie du 3ème dimanche de carême

« Lui-même, en effet, connaissait ce qu’il y a dans l’homme »

Jésus sait ce qu’il y a en nous mieux que nous ne le savons nous-mêmes et voilà ce qu’il y voit : la vocation de l’humanité tout autant que son avilissement. Jésus sait ce qu’il y a dans l’homme : un manque, un vide, un désir que seul Dieu peut combler mais que tous les marchands de l’univers s’emploient à remplir.

Il y a dans cet épisode quelque chose de l’exigence divine, de l’aspiration d’un père qui ne se résout pas à voir son fils vivre en-dessous de lui-même. Ici se réunissent les appels du Christ : « Va, vends tout ce que tu as, donne, puis viens, suis-moi », « La coupe à laquelle je vais boire, vous y boirez », « Pierre, m’aimes-tu ? » ; ici se rejoignent les représentations de l’humanité corrompue par le péché : le fils prodigue dans sa déchéance convoitant la nourriture des porcs, le possédé gérasénien errant parmi les tombeaux, Pierre au chant du coq croisant le regard de son Seigneur ; ici, Jésus met le doigt sur l’écartèlement que nous avons au cœur, la distance entre l’ampleur de notre désir et l’étroitesse de nos vies. Les marchands chassés du Temple c’est la traversée de l’un à l’autre, le passage à travers l’abîme infranchissable creusé entre la réalité de l’humanité et l’appel résonnant encore au cœur de l’homme. Il n’est plus question de douceur et de tranquillité lorsqu’il s’agit du salut dans le feu et la tempête. Les pompiers attaquent la porte à la hache, le secouriste brise des côtes, le Seigneur se fait un fouet de corde.

Seul celui qui sait ce qu’il y a dans l’homme, seul celui qui a gardé l’espérance, seul celui qui croit encore que nous sommes faits pour la sainteté alors même que nous n’y croyons plus peut agir de la sorte. Il y a une violence faite à nous-mêmes dans ce carême : nous y choisissons de laisser le Seigneur nous arracher nos marchands du Temple, les illusions qui remplissent notre cœur et nous empêchent de désirer le seul bien véritable. Aumône, prière et jeûne : nous nous privons de choses légitimes, comme la présence des marchands au Temple était légitime puisque, pour accomplir les prescriptions de la Loi, il fallait bien pouvoir acheter des bêtes à sacrifier. En ce carême, nous choisissons donc de chasser les moyens humains qui nous permettraient d’avancer vers Dieu pour le laisser faire. Nous renonçons à bien nous nourrir et du même coup peut-être à la force d’agir, nous renonçons à employer notre argent suivant nos plans, nous renonçons à notre temps pour le livrer à Dieu. Par tout cela, nous le laissons venir chasser en nous ce qui nous retient encore pour qu’il puisse enfin emplir le Temple que nous sommes de sa présence et que nous devenions saints comme nous sommes appelés à l’être. Amen.