Homélie de la Sainte Famille
« Les parents de Jésus l’amenèrent à Jérusalem »
Nous contemplons en ce jour la famille dans laquelle Jésus est né. Ce couple qui l’a accueilli et qui l’a éduqué, ce fils qui s’est laissé conduire. Le Fils de Dieu en se faisant homme a choisi de ne plus rien savoir, de tout recevoir. C’est de Marie et Joseph qu’il a appris à parler, à marcher, à prier. Ce jour de l’octave de Noël nous invite à contempler cet abaissement-là : que le Verbe ait été sans parole, que le Fils de Dieu ait eu à apprendre le nom du Père, que le Créateur du monde se soit fait l’enfant d’un père et d’une mère humains.
En quoi cela était-il important ? Cela renvoie à une autre question : pourquoi a-t-il fallu que nous naissions d’un père et d’une mère et que notre croissance à leurs côtés soit si longue ? Tant d’espèces arrivent à l’âge adulte en quelques mois alors qu’il faut des années au petit d’homme pour devenir grand. Que nous soyons des nostalgiques de notre enfance ou qu’elle nous fasse souffrir, nul n’y a échappé. Le choix de Dieu est plus mystérieux encore si nous pensons au risque qu’il y prend. Plutôt que de créer des êtres tout faits de ses mains, il préfère les confier en germe, et encore si vulnérables, à leurs parents sans demander aucun diplôme ou permis. La famille est le lieu de tous les possibles, du meilleur et du pire. Les drames familiaux sont d’ailleurs ceux qui choquent le plus notre imagination, tandis que les réalisations portées par une famille nous exaltent.
Nul être n’est une île. Nous dépendons tous les uns des autres et cela est inscrit dans notre manière même de naître et de grandir. Si, une fois adulte, nous pouvons l’oublier et nous imaginer que nous n’avons besoin de personne, le souvenir de nos parents inscrit dans notre visage, notre caractère, nos manières de voir et jusque dans nos tics de langages, nous rappelle d’où nous venons. Si ce sont des qualités, nous pouvons en rendre grâce en nous souvenant d’où elles viennent ; si ce sont des défauts dont nous aimerions être débarrassés, nous apprenons ainsi que le Seigneur ne nous sauve pas tout seul : c’est chacun dans sa relation avec tous les autres, c’est l’humanité entière qu’il veut mener à lui. Nous ne sommes pas simplement le maillon d’une chaîne mais le nœud d’une immense toile que le Seigneur veut guérir.
Nous pourrions alors craindre d’être comme enfermé dans cette toile, héritier de nos parents et condamné à leur ressembler ; mais un miracle se produit : père et mère ne procréent pas un mélange d’eux mais bien un être nouveau. Chaque enfantement, chaque croissance est l’occasion pour Dieu d’agir à neuf dans une âme et de renouveler par elle toute l’humanité. Chacun peut être meilleur que ses parents, toute éducation chrétienne vise d’ailleurs à donner les moyens aux jeunes d’être plus saints que nous. Que les jeunes ressemblent à leurs père et mère importe finalement peu, compte ce qu’ils ont fait de l’héritage qu’ils ont reçu en le laissant être pétri et renouvelé par la grâce de Dieu.
Le Fils éternel du Père a risqué son existence entre les mains d’un père et d’une mère. Il a choisi de n’être plus rien pour tout recevoir, pour que, sous l’influence de ses parents, croisse en un enfant la grâce de Dieu et qu’elle renouvelle de l’intérieur l’humanité. Amen.