Homélie du Christ-Roi
« Venez les bénis de mon Père »
Pour nous faire une idée du ciel, imaginons une journée fraternelle au cours de laquelle chacun fasse le bien. Un dimanche ici à l’église où tous se mettraient au service, se préoccuperaient de l’autre, trouveraient leur joie à prier Dieu en vérité et à aimer leurs frères en actes. Même s’il n’y a pas de jour sans nuage, cela n’est peut-être pas trop loin de ce que nous avons vécu durant ces Journées Saint-Michel ; cependant peut-être nous faudra-t-il faire un effort d’imagination supplémentaire pour sublimer l’expérience de ces jours et nous représenter ce que cela pourrait être si vraiment nous étions totalement dans l’amour. C’est cela le ciel : les réalités concrètes du paradis nous sont largement inconnues – que mangerons-nous ? que boirons-nous ? de quoi serons-nous vêtus ? que ferons-nous ? – mais une chose est sûre : nous ne manquerons de rien et par-dessus tout nous ne manquerons pas de ce dont nous avons vraiment soif : l’amour divin et la charité mutuelle.
À l’entrée se tiendra le juste juge que Jésus nous dépeint dans l’évangile. La fin commencera par un jugement. Le tri sera fait, le Seigneur nous l’avait déjà annoncé dans la parabole du bon grain et de l’ivraie, il le précise ici. « Venez les bénis de mon Père », « Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits ». Nous sommes ici-bas dans un monde chaotique où chaque médaille a son revers, viendra un monde où le mal n’aura plus de prise sur les élus de Dieu.
La bonté et la miséricorde divine n’ont pour limite que le refus de l’homme de les recevoir. Si les méchants se voient refuser d’entrer en ce lieu, c’est que leurs âmes fermées ne sauraient en goûter le bonheur. Le Christ les illumine et apparaît alors en eux le choix qu’ils ont fait de vivre dans les ténèbres. La lumière divine les fait fuir. Placez une personne haineuse dans un groupe où règnent la bonté, le service mutuel et l’amour, il ne saura en accueillir la joie ; faites entrer un mécréant dans un groupe de prière fervent, cela lui paraîtra le comble de l’ennui. À celui qui n’a pas ouvert petit à petit ses yeux à la clarté du bien par ses choix quotidiens, la lumière toute pure de la bonté est insoutenable. Le cœur des mauvais s’est racorni, atrophié, ils ont pris le bien en dégoût au point de perdre tout appétit de la clarté divine. Nous aimons naturellement le bien mais nous pouvons détruire en nous ce goût par le mal que nous commettons ou nous pouvons le laisser croître par le bien que nous accomplissons.
Dieu seul voit le fond de notre cœur. Aujourd’hui, nous ne savons pas où nous en sommes, nous ignorons largement les instants où nous avons dédaigné l’étranger, laissé l’affamé sans repas, refusé l’eau à l’assoiffé ; tout autant que nous méconnaissons le bien qui s’est accompli par nous. « Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu ? » Le jugement seul nous dira le mystère de notre être et le vrai désir de notre âme. Aujourd’hui, il nous appartient de nous en remettre au Christ qui nous appelle en l’assoiffé, l’affamé, l’étranger, le prisonnier ou le malade. C’est l’écoute de cet appel de Dieu qui changera nos cœurs en leur faisant accomplir et aimer le bien. Amen.