Vitrail

6-EucharistieHomélie du 31e dimanche du temps ordinaire

« Ils aiment les salutations sur les places publiques »

Les paroles de Jésus s’adressent aux foules au sujet des scribes et pharisiens, elles s’adressent aussi aux baptisés au sujet des prêtres. Un prêtre est un vitrail que Dieu a fait pour laisser passer sa gloire et en illuminer les chrétiens. L’exemple accompli du sacerdoce se trouve dans les saints prêtres, par excellence le curé d’Ars qui pointa un jour le doigt vers le tabernacle et balbutia : « il est là » car, saisi par le mystère, il était incapable d’en dire plus. Ce jour-là, un auditeur déclara qu’il n’avait jamais entendu sermon si éloquent ; le curé l’avait éclairé directement de la lumière céleste à travers la faiblesse et la fragilité des mots.

Sans cesser d’être un homme, le prêtre est appelé à transmettre Dieu lui-même : l’éternel se donne par le mortel, la grâce passe par le pécheur. Cette vocation est bien trop grande pour un homme. Il n’est pas possible de se tenir à cette place-là sans un violent combat contre les forces des ténèbres qui cherchent à ternir toute transparence à la gloire de Dieu. La mission du prêtre est magnifique et redoutable, redoutable parce que magnifique. La suite de ce passage d’évangile est d’ailleurs composée de versets qui commencent par « malheureux ». Profondément malheureux est le prêtre qui arrête en lui le don de Dieu, soit qu’il ne le laisse pas passer par fausse modestie, soit qu’il se l’attribue à lui-même par orgueil. La tristesse nous attend alors, celle des jours où nous nous sommes refusés à notre appel, mettant bien trop de nous-mêmes là où nous devions donner Dieu.

« Ils aiment les salutations sur les places publiques » déclare Jésus, or qui n’aimerait être salué et reconnu ? Ce que le Seigneur vise ici c’est la gloire accaparée, celui qui, reconnu, salué, croit qu’il le doit à lui-même et oublie Dieu qu’il ne fait que représenter et pour le compte duquel il agit. La meilleure manière de nous en souvenir est de choisir de ressembler au Christ dans tout ce qu’il est et d’embrasser la Croix.

Nous ne pouvons recevoir votre reconnaissance qu’en faisant ce mouvement permanent dans lequel nous la tournons vers Dieu en nous abaissant. Il est logique que vous vouliez réserver la place d’honneur au prêtre qui est Jésus au milieu de vous, il est normal qu’il se mette à la dernière pour la même raison.

Sans vous nous ne saurons être à la hauteur de notre vocation ; une communauté peut se refuser à la grâce que Dieu fait en lui donnant des prêtres, elle peut aussi les pourrir en les traitant comme des notables. Nous avons besoin de vous pour rester fidèles à notre vocation et donner Dieu lui-même. Nous avons besoin de paroles vraies. La flatterie ne fait jamais de bien, pour le prêtre, c’est un fléau qui le gâte insidieusement. Vos remerciements nous sont nécessaires pour continuer à avoir la force d’accomplir notre mission, mais s’ils nous pourrissent nous aurons tout perdu. Mesurez votre parole aux actions de grâce véritables, aux remerciements justes ; faites qu’elles soient vraies et bonnes. De plus, il devrait être interdit de nous dispenser des éloges à toute personne incapable de nous reprendre aussi. Osez la critique constructive : prenez le temps d’invoquer l’Esprit Saint, trouvez le juste moment (rarement à la sacristie ou à la sortie de la messe) et dites-nous là où il vous semble que nous pourrions mieux agir, vous nous rendrez un service rare.

Retenez-vous aussi de nous interdire un service humiliant, au contraire rappelez-nous délicatement que vous nous attendez aussi à la dernière place et, quand nous choisissons l’abaissement, plutôt que de nous en empêcher, laissez-nous faire ou venez nous y rejoindre. « Vous êtes tous frères » : avant d’être vos pères, nous sommes vos frères.

Enfin, nous ne serons rien sans votre prière, priez pour nous. Tournez-vous vers Dieu qui a choisi ce moyen bien biscornu de se donner à nous ; demandez-lui que nous soyons davantage transparents à sa grâce, alors l’Église sera tout entière rayonnante de lui. Amen.