Don dingue

maxresdefault.jpgHomélie du 27e dimanche du temps ordinaire

« La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle. »

Comment fait-on pour rétablir une relation là où la confiance est morte ? Toute approche semble peine perdue, les mots qui nous liaient sont devenus trompeurs, nous n’osons plus nous avancer sur la parole de l’autre de peur qu’elle soit vermoulue et cède sous nos pieds. Le mal est venu tout briser et l’autre semble loin, inatteignable ; toute tentative de s’approcher de lui est susceptible d’être contre-productive en le faisant partir encore plus loin de nous.

Entre le Seigneur et nous, la confiance a été brisée par le péché. Aucun des envoyés de Dieu ne sera reçu car le poison instillé dans le cœur de l’homme lui rend le Seigneur dans le meilleur des cas douteux, dans le pire des cas suspect. Comment nous abandonnerions-nous entre ses mains alors que nous doutons de lui ? Comme les ouvriers de la parabole, nous n’envisageons pas que la seule manière de recevoir le produit de la vigne, c’est de le remettre entre les mains du propriétaire qui ne cesse de nous le dispenser. Nous nous refusons à entrer dans ce mouvement de don mutuel qui est la relation du Père et du Fils et nous interdisons ainsi d’expérimenter l’amour de Dieu pour nous. Le soupçon semble avoir détruit la possibilité même d’une relation.

Mais le maître n’en reste pas là et il envoie son fils. Il le livre. Alors que nous n’envisagions pas de maître sans esclave et croyions donc devoir mener la lutte pour ne pas être tyrannisés, Dieu se refuse à combattre avec nos armes. Il n’écrase pas ceux qui s’opposent à lui puisque, contrairement à ce que pensent les interlocuteurs de Jésus, il ne fait pas « périr misérablement » les vignerons. Au contraire, il agit à l’opposé de notre logique, il nous vainc en se laissant vaincre. Il se donne lui-même à ceux qui lui refusent son propre bien. En se présentant si vulnérable, le Seigneur détruit la logique maître-esclave. Lorsque le maître est celui qui se met à notre portée et plus encore se laisse blesser par nos mains, les mensonges qui le soupçonnaient de vouloir nous écraser s’effondrent.

« Là où le péché avait abondé, la grâce a surabondé ». Nous craignons que nous soient retirés les biens dont nous jouissons sur cette terre ; cette parabole nous enseigne que le Seigneur veut non nous les ôter mais que nous puissions les recevoir de lui ; et il nous entraîne plus loin en révélant son sacrifice à venir. Le fruit de la vigne cède la place au sang du Christ ; le fils venu pour recevoir le vin des vignerons offre à ceux qui le lui refusent son sang, c’est-à-dire sa vie même. Sur ceux qui rejetaient le créateur, s’appropriant jusqu’à sa chair et transperçant son côté pour s’assurer de sa mort, coule le sang de la Rédemption. Le Seigneur n’attend pas que nous soyons prêts à le recevoir pour se donner à nous, il se donne à nous pour que nos cœurs deviennent capables de l’accueillir. Il se pose lui-même comme la pierre sur laquelle nous pourrons construire une relation nouvelle. En le recevant aujourd’hui dans la communion, laissons cette vie nous envahir et nous rendre capables d’aimer. Amen.