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3db91125a7705a6e4af4d79531fe2998Homélie du 24ème dimanche du temps ordinaire

« Saisi de compassion, le maître de ce serviteur le laissa partir et lui remit sa dette. »

À la question de Pierre, Jésus renvoie vers le seul moment qui compte, celui où tous les comptes seront faits. En voilà un, et c’est chacun de nous, qui doit un montant mirobolant, le genre de chiffre qui dépasse largement la somme des salaires d’une existence normale. Bref, une dette étouffante et non remboursable. C’est ainsi que nous nous présentons à la confession, c’est sans doute ainsi que nous arriverons au ciel.

La logique voudrait que nous finissions vendus et esclaves, notre salut est dans la miséricorde. Le débiteur de la parabole le comprend : même s’il n’ose pas demander la remise de sa dette, il fait appel à la patience, la miséricorde et la bonté du maître. Celles-ci sont sans limite, aussi le Seigneur plein de compassion oublie-t-il la dette et ne le fait-il pas simplement une fois, mais dix fois, soixante-dix fois, soixante-dix fois sept fois. Voilà qui s’approche du nombre de confessions d’une vie tout entière. Peu importe la répétition, Dieu pardonne toujours ceux qui se repentent.

S’il agit ainsi c’est bien parce qu’il veut que nous soyons saints. La seule manière dont nous pouvons le devenir est de recevoir son pardon. Enfants, nous avons fait du mal et, en y repensant, nous nous demandons parfois ce qui nous est passé par la tête : une violence, une colère, un mensonge, un vol… Si nous avons eu la chance d’avoir sur notre route des éducateurs qui nous donnaient leur confiance, nous la redonnaient, puis de nouveau, et, à chaque chute, continuaient à croire que nous valions plus que le mal commis, nous avons pu devenir meilleurs. Leur pardon véritable a été notre force, à chaque fois que les adultes ont oublié le mal commis pour nous tourner vers l’avenir. L’enfant à qui on ne donnerait qu’un nombre limité de chances finirait par les épuiser et par être enfermé dans son péché sans pouvoir jamais en sortir. Au contraire, nos parents nous ont pardonné 2375 insultes à notre frère et c’est là que s’est produit le miracle : sans que nous puissions bien savoir comment ni pourquoi il n’y en a pas eu de 2376ème.

Dieu agit de même envers nous. Sans se lasser, il pardonne tous ceux qui se confient à sa bonté. Nous redisons un peu la même chose d’une confession à l’autre mais le Seigneur voit le temps long et notre croissance. Il est des points sur lesquels nous progressons insensiblement, d’autres que nous répétions il y a 10, 20, 30 ans et qui nous semblent aujourd’hui loin derrière. Nous ne nous en souvenons peut-être même pas, gagnés par la bonté divine qui oublie le mal pardonné.

Ce que Dieu fait, nous y sommes appelés à notre tour : ce pardon est une vie, il meurt de n’être pas transmis. En le recevant, nous apprenons à le donner. Si nous mourons de ne pas avoir rencontré sur notre route la miséricorde, il est temps d’aller vers la source où elle jaillit. Au dernier jour, nous n’aurons plus le choix ; en effet, au ciel il n’y a autour du trône de l’Agneau qu’une assemblée unie. Il ne sera pas question d’étrangler son frère en exigeant ce qu’il nous doit. Il ne suffira donc pas d’avoir reçu de Dieu le pardon, encore faudra-t-il l’avoir donné à ceux qui l’auront demandé, car comment nous tiendrons-nous devant le Seigneur à côté d’un frère que nous aurions refusé de pardonner ? Notre capacité à pardonner est donc une question de vie ou de mort. Et comment pouvons-nous avoir un cœur miséricordieux ? En recevant de Dieu le pardon, en laissant couler en nos âmes ce don pour qu’il nous gagne tout entier et rejaillisse de nous sur notre prochain. Pour cela nous irons nous confesser non pas 7 fois mais 70 fois 7 fois, car c’est en étant pardonnés que nous apprenons à pardonner. Amen.