C’est la vie !

Sans titre 4Homélie de la Fête-Dieu

« Celui qui mange de ce pain vivra »

Jésus promet la vie à ceux qui le mangeront, mais il faut s’entendre : qu’est-ce que vivre ? Si Jésus nous donne cette vie, c’est donc que nous ne l’avions pas, à tel point qu’il dit à ceux qui ne l’ont pas encore reçue : « vous n’avez pas la vie en vous ». On peut se donner des airs de vivant et être pourtant à peu près mort. La machine ne vit pas, elle tourne ; nous aussi pouvons tourner sans vivre : le cœur bat, la respiration soulève la cage thoracique, l’esprit raisonne toujours, la bouche parle mais cela n’est pas encore vivre, nous pouvons n’être qu’un automate.

Lorsque le Christ déclare : « celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle », Il ne dit pas qu’il va simplement perpétuer les conditions de notre existence ici-bas comme un médecin qui aurait inventé le moyen de prolonger nos jours à jamais. Il n’est pas non plus en train de parler d’une vie qui serait donnée après la mort. Il parle d’un changement qualitatif dans notre vie d’ici-bas et plus que d’un changement, de notre naissance à une vie nouvelle, une vie qui n’est plus simplement faite de l’engrenage des jours qui se succèdent, des nécessités quotidiennes de notre corps, de la mécanique de notre esprit déroulant ses arguments presque malgré nous.

« De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi. » Cette vie nouvelle est celle qui est en Dieu. Nous l’avons contemplé dimanche dernier lors de la fête de la Trinité. Ce n’est pas une mécanique bien huilée, c’est l’Amour même : pur, libre, saint, donné, reçu, vécu. Notre Dieu est le Dieu vivant, le Père n’est que don de lui-même, le Fils se reçoit du Père et se réjouit de cette éternelle nouveauté. Par Jésus, c’est à cette source-là que nous abreuvons nos vies pour les renouveler.

En venant à la messe, nous nous approchons de notre Seigneur. Là où nous ne verrons tout à l’heure que du pain et du vin, nous croyons qu’il est présent et qu’il se donne à nous. Nous lui présentons durant l’offertoire ce qui fait notre quotidien, rempli de joie, de chagrins, de petits riens et de graves préoccupations ; et, comme il fait, du pain et du vin déposés à l’autel, sa présence, il fait, de notre existence, sa vie même. Il lui donne sens en la tournant vers le Père. Lorsque nous nous approchons, nous croyons le recevoir mais alors qu’il vient demeurer en nous, c’est nous qui demeurons en lui, c’est nous qui plongeons en lui. Son corps et son sang ne sont pas comme les aliments périssables de cette terre qui doivent être morts pour nous nourrir, ils nous enracinent dans le Christ, ils nous relient à lui si bien que c’est désormais son sang qui bat dans nos veines, nous sommes membres de son corps. Nous repartons forts de sa force même : ce n’est désormais plus nous qui vivons mais lui qui vit en nous. Amen.