Sa majesté !

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Homélie du dimanche des Rameaux

« Hosanna au fils de David ! »

Sans triomphalisme et pourtant déjà glorieux, le Christ s’avance vers Jérusalem en vainqueur. L’évangile que nous avons entendu au début de cette messe et la Passion que nous venons de lire semblent contradictoires. Adulé par les foules, Jésus est rejeté quelques jours plus tard ; mais, sur la croix, « ce n’est pas un vaincu qu’il faut plaindre, c’est un vainqueur qu’il faut glorifier » (Louis Bouyer) car l’entrée triomphale à Jérusalem dit la réalité de ce qui apparaît comme une défaite. Au jour de la trahison de Judas, de l’abandon des disciples, de l’arrestation, du reniement de Pierre, du procès, des cris de la foule, de la condamnation, de la mise en croix, des insultes et des outrages, puis enfin de la mort, la situation semble s’être retournée et, de vainqueur, Jésus paraît être devenu vaincu. À celui qui entend les insultes « Salut à toi, roi des juifs » et lit l’inscription « Celui-ci est Jésus, le roi des juifs », elles sont pourtant d’étranges rappels de ce que Jésus est venu faire à Jérusalem : prendre possession de son règne.

Jésus est vainqueur non par l’apparat et l’empire extérieur qu’il aurait sur la Judée mais parce qu’il reste homme dans sa passion. Par la décision de son cœur troublé au soir de Gethsémani, par la lumière de ses paroles que le mal n’obscurcit pas, par la bonté qu’il rend aux méchants, Jésus manifeste la royale dignité de l’homme. Le visage couvert de crachats, s’il est encore le « plus beau des enfants des hommes » c’est parce que le mal n’obscurcit pas son regard. Certes, le mal s’est acharné sur lui, il a écartelé le Messie pour déceler en lui la brèche par laquelle verser son poison, mais il n’a pas trouvé de prise ; ses coups ont déchiré Jésus, ils n’ont pas été frappés dans le vide, ils ont bien atteint le Christ, ils l’ont fait souffrir, mais sans que jamais cette souffrance ne fasse naître en son âme l’amertume, la vengeance ou la haine. Le corps du Christ a été brisé, cloué et percé sans que le mal ne puisse pénétrer son cœur. Bien qu’il ait perdu toute marque de grandeur, sa majesté et sa dignité rayonnent dans son invincible amour pour nous. La vraie puissance est là : quand notre incurable mal est écrasé, quand l’antique ennemi qui salit tout est renvoyé dans son néant par celui qui est la Vie même. Le voici donc notre roi, notre roi vainqueur : pas d’acte plus majestueux que le sacrifice, c’est l’offrande du Christ et celle des chrétiens comme Maximilien Kolbe qui l’y ont suivi.

Nous sommes appelés à être aussi royalement homme que Jésus, à l’accompagner fidèlement dans la joie des rameaux comme dans la douleur de la croix pour entrer un jour victorieusement avec lui dans la Jérusalem céleste. En le regardant, nous redécouvrons la hauteur à laquelle nous pouvons vivre, en levant les yeux vers le crucifié, nous nous souvenons que nous ne sommes pas faits pour la fange et qu’il est venu pour nous en tirer. Nos souffrances n’en disparaissent pas mais un chemin s’ouvre en elles. Elles cherchent à nous écraser et nous enfermer mais peuvent devenir le lieu par lequel nous retrouverons notre royauté si nous les vivons avec lui, si nous laissons notre cœur déchiré s’ouvrir encore et rayonner de l’amour au milieu de nos ténèbres. Nous n’en souffrirons pas moins, nous en souffrirons peut-être davantage puisque nous refuserons de nous endurcir, mais une autre lumière jaillira en nous : la joie profonde de retrouver celui dont nous portons l’image. Amen.