On trouve tout à la Samaritaine

http---i.huffpost.com-gen-3093962-images-n-LA-SAMARITAINE-628x314Homélie du 3ème dimanche de carême

« Tout homme qui boit de cette eau aura encore soif »

Il y a deux soifs en nous. Soif d’illimité et soif d’infini, soif d’immortalité et soif d’éternité, soif d’eau et soif de Dieu. Parce qu’elle a soif, la Samaritaine s’approche du puits de Jacob mais elle ignore encore une autre soif en elle, celle qui lui fera bientôt dire à Jésus : « Seigneur, donne-moi de cette eau » puis laisser là sa cruche sans avoir rien puisé, pour repartir à la ville et y annoncer ce qu’elle a reçu.

À trop vouloir contenter la première soif, nous ne serons jamais comblés. Nous pourrions traverser les mers, aller chercher des diamants au fin fond de la terre, atteindre le sommet des montagnes ou partir en voyage intergalactique, nous n’aurions fait que conquérir l’univers et découvrir au bord de sa limite que notre cœur n’est pas encore contenté.

Nous avons mis des robinets dans toutes nos maisons et nous continuons d’avoir soif. De même, s’il ne s’est pas endormi, l’homme repu découvre qu’il a faim. L’appétit que nous croyions sustenter en nous mettant à table appelait en fait un autre désir car il ne suffit pas de remplir son estomac pour être comblé. Avec les nourritures de cette terre, on ne fait jamais que tromper sa faim. A l’heure du café, nous savons que nous aurons de nouveau faim demain ; mais déjà, alors que notre corps est rassasié, une autre faim continue de tenailler notre âme.

Ceux qui manquent de tout risquent de vivre dans l’illusion qu’il leur suffirait d’acquérir les nourritures terrestres pour être satisfaits ; ceux qui ne manquent de rien risquent de croire que la vie n’a pas de sens car tous ces biens ne les ont pas comblés. Dans le dénuement comme dans l’abondance, nous avons besoin d’entendre ces paroles de Jésus : « ma nourriture, c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé » et « celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ». La Samaritaine repart en laissant là sa cruche, Jésus décline le repas que lui ont préparé ses disciples. L’un et l’autre n’ont plus besoin des biens de cette terre car ils en ont goûté un autre.

Le carême est ce moment où nous décidons de creuser en nous la faim véritable. Cela demande un acte de confiance. Nous hésitons au moment de tailler dans notre nécessaire, nous tergiversons à la veille d’un jour de jeûne : n’allons-nous pas défaillir ? pourrons-nous assurer nos activités de ce jour ? est-ce bien sage ? Non, c’est la folie de ceux qui veulent plus. Jeûner en ce carême, c’est vouloir être vraiment rassasié, ne pas nous satisfaire de ce qui n’abreuve pas vraiment et ne nourrit pas notre être.

Celui qui se lance dans cette aventure – avec crainte, car on l’entreprend sans savoir ce que l’on y gagnera et en mesurant trop ce que l’on perd –, celui qui laisse la faim le tirailler un peu découvre d’autres biens. Au soir de son jeûne, choisissant de se nourrir de la parole de Dieu et de boire à la prière, il reçoit cette eau dont Jésus parle. « Quiconque boira de cette eau n’aura plus jamais soif ». Ce trésor découvert, toute autre richesse semble dérisoire. Amen.