Instants d’éternité

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Homélie du 2ème dimanche de carême

« Il est bon que nous soyons ici »

Voilà que Jésus emmène avec lui ses trois plus proches apôtres – Pierre, Jacques et Jean – sur une haute montagne. Quelque chose de divin va forcément se passer car monter sur la montagne, c’est se rapprocher du ciel. En acceptant de marcher aux côtés de Jésus dans cet ascension, Pierre, Jacques et Jean parcourent plus qu’un chemin de pierre, ils avancent sur un chemin intérieur. Lorsqu’ils arrivent au sommet, ce ne sont pas uniquement leurs yeux qui voient Jésus transfiguré, blanc comme la lumière et brillant comme le soleil ; leurs cœurs perçoivent sans bien comprendre et sont comblés au-delà de ce qu’ils pouvaient imaginer. La lumière qui rayonne alors n’éclaire pas simplement leur corps, elle ne réchauffe pas seulement leur peau comme le feront très bientôt sur nous les premiers rayons de soleil du printemps ; ce rayonnement-là brille sur leur cœur et ouvre leur esprit.

Vous qui préparez votre première communion, Jésus vous invite aussi à monter sur la montagne avec lui. Quand vous êtes à l’adoration dans cette église, quand vous venez devant lui à la messe ou le priez dans le secret de votre chambre, vous le suivez sur la montagne. Au jour de votre première communion, il se donnera à vous, il vous illuminera.

De cette illumination, les apôtres avaient bien besoin, disons-le sans hésitation. En effet, juste avant cet épisode, Jésus venait de leur annoncer qu’il lui fallait « partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup, être tué, et le troisième jour, ressusciter » (cf. Mt 17, 21). Pierre lui en avait fait de « vifs reproches » et avait entendu Jésus lui dire : « Passe derrière moi Satan ». Il n’était pas prêt à voir Jésus souffrir et mourir, aucun d’entre nous n’y est jamais prêt.

Si Jésus se manifeste donc ainsi transfiguré à ses apôtres, c’est pour leur montrer la lumière vers laquelle il marche. Pierre n’en comprendra pas davantage la passion au jour où elle viendra, il reniera d’ailleurs Jésus après avoir maladroitement essayé de le défendre ; pourtant, il gardera au cœur la clarté de ce jour de la Transfiguration. En leur confiant ainsi le secret de son être, Jésus prépare ses apôtres à traverser la nuit qui va venir sur eux : l’heure de sa mort. Au moment où Jésus s’offrira pour eux, ils auront l’impression de tout perdre, comment ne seront-ils pas envahis par le désespoir ? Parce que brillera encore en eux la lueur de ce moment :  au plus noir des ténèbres, alors qu’il verra mourir son maître bien-aimé, alors qu’il l’aura renié et que tout sera perdu, Pierre se souviendra du bonheur vécu au sommet du mont Thabor. Ces instants restent pour lui une fenêtre ouverte sur l’éternité.

Il est des moments où nous sommes comme Pierre à l’heure de la croix, plongés dans les ténèbres. La mort de sœur Marie-Christine est de ces heures-là. Nous ne savons que dire ni que penser, nous sommes perdus, nous sommes démunis. Pourtant, il nous reste le trésor des heures lumineuses que nous avons vécues. Nous nous en remettons alors à ce que Dieu nous a donné par le passé pour que grandisse en nous l’espérance : la mort ne peut avoir le dernier mot ; les ténèbres, aussi triomphantes semblent-elles, ne peuvent vaincre l’éclatante lumière que nous avons contemplée.

Pierre voulait rester sur le mont Thabor et y construire trois tentes, il n’en a pas eu le temps. Nous ne pouvons retenir entre nos mains le bonheur que nous recevons ici-bas mais nous pouvons y reconnaître l’annonce de la demeure que le Seigneur lui-même construit pour nous. Cette maison est bien plus solide qu’une tente sur une montagne, elle est le bonheur éternel. Elle est faite du bois de la croix, elle est le ciel vers lequel nous marchons. Amen.