Entre ses mains

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Homélie du 8ème dimanche du temps ordinaire

« Tout cela vous sera donné par surcroît »

Nous sommes faits pour recevoir : le soleil venant réchauffer notre corps, les paysages emplissant nos yeux, la présence réjouissante de nos amis, l’amour d’une épouse, tout ce qui fait grandir en nous la joie est reçu sans pouvoir être capté. Les amis accaparés, l’épouse jalousée, le paysage photographié et, de manière générale, tout ce qui est capturé finissent par moisir. Si nous voulons voir fructifier en nous les dons de Dieu, il nous faut les recevoir en gardant les mains ouvertes.

C’est à cet accueil de son don que le Seigneur nous invite en montrant les lys des champs et les oiseaux du ciel. Ce n’est pas la besogne en elle-même qu’il craint pour nous, car les oiseaux peinent pour obtenir leur nourriture de chaque jour et les lys ont bien des étapes à franchir avant d’être habillés d’une gloire supérieure à celle de Salomon. Ce que Jésus pointe du doigt, ce qu’il appelle le souci, c’est cette manière de vouloir retenir entre ses mains ce qui ne peut être que reçu. Le souci, c’est ce moment où nous cherchons à avoir la main sur ce qui se dépose en nos mains. En effet, tout le souci possible ne fera pas pousser les plantes ni briller le soleil, il ne pourra nous donner ni l’amitié, ni l’amour. En nous souciant, nous battons l’air et n’agrippons que le vide car notre souci tente d’attraper l’insaisissable, nous nous y fatiguons donc en pure perte. Pire, il peut nous faire perdre l’essentiel, car nos mains occupées à retenir ce qui fuit ne sont plus ouvertes au don qui nous est fait aujourd’hui. « La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture et le corps plus que les vêtements ? » Le mari jaloux finit par perdre la femme qu’il aime, le touriste qui filme son voyage trop assidûment ne le vit plus et celui qui emmagasine les richesses de ce monde partira sans leur avoir permis de porter un fruit qui demeure en lui et dans les autres.

Apprendre à vivre, c’est apprendre à recevoir car vivre c’est à la fois chercher et accueillir, agir et se laisser faire, vouloir et s’abandonner. Le Christ est sur cette ligne de crête : entre le fait que le Père a tout remis entre ses mains, (cf. Jn 13, 3) et sa remise entre les mains du Père (Lc 23, 46). Il reçoit dans ses mains ouvertes la vie du Père et jouit paisiblement de ce don de Dieu. Pour vivre de cette grâce, nous ouvrirons donc nos mains et nos cœurs : tout en nous appliquant avec ardeur à notre travail, nous demanderons à Dieu de nous faire porter du fruit et l’en bénirons ; chaque jour, nous recevrons  de lui la vie et la lui présenterons comme nos visages se tournent vers le soleil pour en recevoir les bienfaits ; nous laisserons ainsi grandir en nous la présence divine et sa joie qui irradieront autour de nous. Amen.