Homélie du 6ème dimanche du temps ordinaire
« Si votre justice ne surpasse pas… »
Les amoureux ne se contentent pas d’une partie de l’être aimé, de quelques minutes de son temps ou d’un peu de son cœur. Il leur faut tout. Tel est le Christ qui nous désire tout entier à lui et sait que ce don fera notre bonheur. Dans ce domaine comme en amour, les paroles ne suffisent pas, des actes sont nécessaires pour que nous nous abandonnions. Il ne suffit pas de dire : « je me donne à toi », encore faut-il le faire, et pour éduquer nos actes nous avons la loi.
En effet, la loi est le chemin du don de soi. En sortant le peuple hébreu d’Égypte, le Seigneur le délivre de son esclavage et lui donne des commandements pour qu’il puisse répondre à l’amour gratuit du Seigneur pour lui. « Je ne suis pas venu l’abolir mais l’accomplir » dit Jésus au sujet de cette loi ; c’est dire qu’elle est une route et qu’il va la parcourir jusqu’à son terme. Jésus est venu afin de réaliser la loi, l’accomplir en sa personne et lui faire porter du fruit en nous. Nous ne court-circuiterons pas la loi pour parvenir à recevoir ce don du Christ, au contraire, il nous faudra la recevoir comme un don de Dieu, comme la parole d’un père aimant qui désire que nous vivions au-dessus de nous-même.
Lorsque Jésus dit : « on vous a dit, moi je vous dis », il parle au nom du Père, comme s’il disait : « le Père vous a dit, voici le sens de sa parole ». Voilà où le Père veut nous conduire, jusqu’à quelle sainteté il veut mener nos cœurs en les taillant comme des diamants.
La république édicte des lois pour qu’elles soient respectées, elle ne demande rien de plus. Le père, lui, n’a pas pour objectif le respect de la loi, il vise la croissance de son enfant, il lui parle comme le laboureur arrose, pour que pousse le grain. De ce point de vue, mieux vaut l’enfant bataillant avec la parole du père et s’y confrontant parce qu’une lutte habite son cœur que l’enfant obéissant extérieurement sans que son être n’en devienne bon.
En effet, cette loi est une parole et elle nous appelle à entrer en relation avec celui qui la prononce et qui ne veut rien de moins que transformer nos cœurs. Pour cela, non seulement il indique le bien mais nous le fait désirer, de même qu’en disant à son enfant le bien à faire, un père lui fait aimer la bonté. En interdisant le meurtre, le Seigneur nous fait aimer la paix ; en interdisant l’adultère, il nous fait aimer l’amour vrai ; en interdisant de jurer, il nous fait aimer la vérité. Par la bouche de Jésus, c’est cette voix du Père qui nous parvient et nous pousse plus loin que nous-même. Pourquoi s’arrêterait-il en chemin quand nous pouvons être vraiment heureux ? Le sens de la loi est dans la sainteté, elle nous porte à être tout entier dans le « oui » qui seul nous donne la joie. Amen.