Homélie du 1er janvier 2017
« Il est né d’une femme »
Tout commence toujours par une mère. L’année démarre sous les auspices de la maternité de Marie comme notre vie a débuté dans le sein maternel. Nous avons tous grandi quelques mois en cette terre maternelle dont nos nombrils sont la mémoire. La séparation d’avec elle est souvent mêlée en nous de déchirement et de souffrances ; pourtant, en Marie, nous contemplons ce que toute mère est appelée à être pour son enfant. Il nous est bon de tourner nos regards vers elle, afin qu’elle nous apprenne ce qu’est la vocation maternelle.
« Marie retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur » : d’une certaine manière, la gestation de Marie semble ne jamais s’être terminée. Toute sa vie, elle regarde son fils qu’elle a porté en elle et celui qui a vécu en son sein continue toujours d’y vivre jusqu’à la fin, puisque Marie l’accompagnera au pied de la croix. Pourtant, ce fils n’habite plus en elle. Jésus a quitté le sein de sa mère et Marie découvre en regardant son visage un autre qui déborde ce qu’elle pouvait produire par elle-même. C’était déjà l’annonce de l’ange et la prophétie de Syméon, c’est ensuite l’expérience du pèlerinage à Jérusalem lorsque Jésus avait douze ans – « Mon fils, pourquoi nous as-tu fait cela ? ». Ce fruit de ses entrailles est autre qu’elle. Le nombril nous rappelle le lien que nous avons à notre mère tout autant que la distinction opérée avec elle.
Plus Marie découvre qui est son fils, plus elle s’aperçoit qu’il est au-delà de ce qu’elle pouvait projeter en lui. Marie médite les événements pour se laisser changer par ce fils et, à Cana, en orientant les serviteurs vers l’obéissance à Jésus – Faites tout ce qu’il vous dira – elle manifeste son désir de voir son fils être fécond à sa manière à lui. Au jour de Noël, elle a laissé la gestation derrière elle pour entrer dans l’émerveillement devant le don reçu : cet enfant qui est le sien sans être à elle. C’est en reconnaissant son altérité irréductible qu’une mère donne vie à son enfant et qu’elle est comblée de la joie de porter un fruit véritable.
Cela mène Marie très loin, jusqu’à recevoir entre ses bras son fils mort. De la Vierge à l’enfant à la Piéta, il y a la profonde unité de Marie qui ne cesse d’offrir aux hommes le fils qu’elle reçoit de Dieu. Les bergers, ces inconnus entrés dans l’intimité de la crèche pour adorer l’enfant, lui signifiaient ce qu’elle savait déjà : son enfant était aux hommes. Au jour de la croix, elle participe à l’offrande de son fils en la vivant elle-même comme une mère qui souffre des blessures de son enfant bien plus que des siennes propres. Ce n’est plus elle qui porte ce fils, c’est lui qui l’entraîne plus loin qu’elle-même et lui donne de porter un fruit d’espérance. Au pied de la croix, que sont devenues les promesses de l’ange : « il sera grand, il sera appelé fils du Très-Haut, il recevra le trône de David son père » ? Face à la mort, une mère croit que la vie qu’elle a donnée à ce fils ne peut s’achever là, que sa maternité est éternelle. Alors que son cadavre repose dans ses bras, son cœur blessé est le seul à espérer encore. Marie fut la première et la seule à connaître la venue du Messie en elle au temps de sa grossesse, elle est encore la première et la seule à espérer sa résurrection au vendredi saint. Dans la joie de sa naissance, comme dans la douleur de la mort, elle laisse son fils grandir en elle, par elle et au-delà d’elle pour qu’il devienne son Sauveur. Amen.