Homélie du jour de Noël
« La lumière brille dans les ténèbres »
Il ne suffit pas d’être proche de la lumière pour la reconnaître. L’enfant Jésus naquit à Bethléem dans le secret. Autour de lui, les hommes dormaient pour la plupart ; le lendemain, tous vaquèrent à leurs occupations sans aucune conscience de ce qui venait de se produire à quelques mètres d’eux. Seuls Marie, Joseph et quelques bergers avaient pu contempler en ce bébé le Sauveur des hommes. Trente ans plus tard, lorsque le Seigneur se fit connaître en prêchant la Bonne Nouvelle, quelques-uns le suivirent mais nombreux furent aussi
ceux qui ne reconnurent en lui qu’un prédicateur de plus, voire qui passèrent à côté de lui sans le voir ni l’entendre. Enfin, lorsqu’il mourut, les grands prêtres qui le condamnèrent, les soldats qui le crucifièrent et les passants qui l’observèrent ne discernèrent qu’un condamné à mort comme d’autres. Un soldat attrapa son bras pour le clouer sur la croix sans saisir qu’il tenait en sa main la droite du créateur.
Aujourd’hui même, parmi les personnes que nous croisons se cachent certainement des êtres d’exception. Ceux qui vivent honnêtement ne se distinguent pas à première vue de ceux dont le cœur est brûlant du désir de Dieu et de l’amour des autres. Jésus pourrait être notre voisin de palier, le reconnaîtrions-nous ? La lumière n’est visible qu’à ceux qui acceptent de se laisser éclairer par elle. Le verbe s’est fait chair pour pouvoir nous regarder, nous parler, se laisser contempler et nous embrasser. À la crèche, ils ont été quelques-uns à se laisser illuminer par sa lumière : Marie, Joseph, les bergers. Marie et Joseph avaient préparé leur cœur à cette possibilité par l’étude priante des écritures ; dans leurs veines coulait toute l’histoire d’Israël dont ils sont le fruit merveilleux. La promesse de Dieu reçue par les patriarches et proclamée par les prophètes, ils ne l’avaient pas lue dans un livre – qui n’existait pas à l’époque – mais elle leur avait été transmise par leurs pères, expliquée par des maîtres, ils l’avaient méditée dans la prière et conservée en leur mémoire, autrement dit ils la chérissaient ; et, en affectionnant cette parole, leurs oreilles s’étaient préparés à aimer les accents du Verbe divin.
Nous n’en savons pas beaucoup sur les bergers mais nous pouvons imaginer que leurs cœurs se sont ouverts par une autre contemplation : celle de la nature, de leurs bêtes et du silence des nuits passées dans la montagne. Dans cet autre reflet de la splendeur divine qu’est la création, les bergers avaient aussi perçu la voix du Verbe par qui tout est venu à l’existence.
Marie, Joseph, les bergers, tous eurent la visite d’un ange. Peut-être cela semble-t-il facile, mais au contraire, s’ils purent écouter l’ange et croire en sa parole, c’est que, même sans le savoir, leur cœur était prêt. Celui qui n’est pas disposé à recevoir le Seigneur, ne recevra pas non plus son témoin. Jean-Baptiste, qui était là pour rendre témoignage à la lumière, précéda le Christ dans le martyre. L’apparition d’un ange est le tournant d’une histoire mais elle n’en est jamais le début car, pour être entendues, ses paroles doivent avoir été préparées.
Lorsqu’ils adorèrent en l’enfant nouveau-né le Verbe fait chair, Marie, Joseph et les bergers contemplaient la vraie lumière. Ils le purent donc parce que les yeux de leur cœur y avaient été préparés par l’écoute d’une parole d’abord reçue de la création et de leurs pères, et par la foi dans l’annonce de l’ange. A ces paroles succédaient la réalité qu’elles avaient annoncées. Le Verbe vient derrière Jean puis passe devant lui ; à la crèche, Dieu lui-même vient derrière ses témoins que sont la création, la parole portée par Israël et les anges, pour passer au premier plan ; au reflet de la lumière succède le rayonnement de la gloire de Dieu, l’expression parfaite de son être. Ne verront pleinement la lumière du jour que ceux qui ont ouvert leurs yeux à l’aube.
La dernière parole de l’évangile selon Saint Matthieu – Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde – nous laisse imaginer que nous ne sommes pas dans des circonstances si différentes de celles de Marie, Joseph et les bergers. Jésus est là. Pour reconnaître sa présence aujourd’hui, nous devrons faire le même trajet qui passe par l’écoute aimante de sa parole, la contemplation de sa création, l’accueil de ses témoins. Ainsi pourra-t-il faire rayonner sur nous la lumière de sa face et nous toucher par sa présence qui dépasse infiniment les œuvres qui nous conduisirent à elle. Amen.
Saint-Michel – 25 décembre 2016