Homélie de la nuit de Noël
« Paix sur la terre aux hommes, qu’il aime »
C’est d’être aimé qui nous sauve.
Si nous avons eu ou si nous avons la chance d’être vraiment aimé sur cette terre, nous savons combien cet amour ouvre en nous de possibles. En vérité, pour que notre cœur retrouve sa liberté, il faut qu’un être nous aime avec insistance, qu’il passe nos résistances, s’attache à nous indéfectiblement et nous poursuive délicatement mais fidèlement de son affection. Telle Elsa qu’Anna vient débusquer dans son palais de glace, nous avons besoin qu’un autre nous aime suffisamment pour ne pas se laisser arrêter à nos froideurs, nos duretés et nos ingratitudes, et venir nous chercher dans les prisons intérieures que nous avons dressées. Bienheureux celui qui a une sœur, un frère, un père, une mère, un fils, une fille, un ami, un époux ou une épouse qui l’aime, et qui l’aime vraiment au point de ne jamais se lasser, de l’attendre quand il tarde, de venir le chercher quand il se cache, de parler à son cœur quand il se ferme, et de croire en lui quand il n’y croit plus lui-même.
Ceux qui nous aiment à cette hauteur-là font plus que nous aimer, ils nous apprennent à nous laisser aimer. On aurait tort de penser que cela est simple ; en effet, si aimer demande de la force, de la persévérance et du courage, se laisser aimer demande d’accepter petit à petit que l’amour de l’autre vienne transformer notre vie. Combien de fois, notamment en famille, laissons-nous à la porte de nos cœurs ceux qui ne demandent qu’à nous aimer ! C’est que, dans ce domaine, il ne suffit pas de vouloir faire des efforts pour s’ouvrir, seuls le temps et l’amour persévérant de ceux qui nous entourent nous donnent d’espérer qu’un jour viendra où nous nous laisserons aimer et ouvrirons grand nos vies à ceux qui nous manifestent leur affection.
Nombreux sont aussi ceux qui ont perdu ceux qui les aimaient ou qui n’ont jamais reçu un tel amour de leur entourage. Que nous soyons vraiment seul ou que nous nous isolions par notre incapacité à recevoir l’amour dont nous sommes entouré, cette nuit, notre solitude est habitée. Un enfant naît, c’est Dieu lui-même qui vient nous aimer. Voilà deux mille ans qu’il nous poursuit de son amour. Il tient de l’amoureux transi faisant le siège de sa bien-aimée parce qu’il ne peut plus vivre sans elle, tout autant que du vieil ami ne concevant pas qu’une discorde puisse durer et jouant de toutes les cordes de notre caractère pour retrouver notre amitié. Puisque nous sommes bien en peine de lui ouvrir nos vies et ressentons nos résistances sans savoir comment les mettre à bas, présentons-nous simplement à son amour : c’est lui qui nous sauvera, c’est lui qui, nous envahissant de sa lumière et de l’amour, guérira nos cœurs et les rendra à leur liberté. Pour être sauvé, nous n’avons qu’à être aimé. Amen.