Homélie du 4ème dimanche de l’avent
« Elle enfantera un fils et tu lui donneras le nom de Jésus »
Comment devient-on père ? Par son parcours hors du commun, Joseph éclaire la manière dont toute paternité est à la fois écoute d’un appel et réponse à celui-ci. Le songe de Joseph dit d’ailleurs sa vocation plus qu’il ne lui apprend des faits : comme le suppose l’introduction du texte, il a reçu – probablement par Marie – la nouvelle de cet enfant à naître ; et il en a certainement été surpris, puisqu’ils n’étaient que fiancés. Aussi, dans un premier temps, il n’a pas vu sa place dans ce projet et a préféré se retirer sur la pointe des pieds pour laisser Marie et son enfant vivre le mystère dont il ne se sentait pas partie prenante. L’histoire semblait donc finie pour ce qui le concernait et il aurait pu disparaître du scénario. Cependant, voilà qu’un songe va tout changer en lui indiquant sa mission par rapport à cet enfant et, plus que sa mission, sa vocation, c’est-à-dire ce qui va devenir le sens même de son existence.
Toute paternité est une double parole de reconnaissance. La première est entendue, la deuxième est prononcée. Il y a tout d’abord celle qui annonce à un homme qu’il va être père : dans la paternité charnelle c’est généralement celle de l’épouse qui fait connaître sa grossesse. À travers elle, c’est Dieu qui donne une vocation. Vient ensuite la parole de celui qui devient père en voyant le visage de cet être nouveau, en le reconnaissant et en lui donnant son nom. L’enfant s’impose à la mère dans son corps quand il faut que le père le reconnaisse. La maternité est une évidence quand la paternité est à choisir.
Comme tout père, Joseph ne peut donc entrer dans sa vocation sans une parole qui lui dise : « tu es appelé à être le père de cet enfant. » Marie ne pouvait prononcer ces mots car l’enfant n’était pas à elle et l’ange n’avait rien précisé concernant son père. Pire encore, en disant à Joseph les circonstances de la conception de ce fils, elle ne pouvait que l’effrayer. Être père de manière habituelle, c’est déjà se découvrir porteur d’une responsabilité qui nous dépasse ; devant la grandeur de l’enfant à naître, Joseph tremble d’autant plus, et s’il renonce dans un premier temps à en être le père, c’est qu’il doute de lui-même bien plus que de Marie. Il a donc fallu que le Seigneur lui-même lui révèle cette vocation : tu lui donneras le nom de Jésus – autrement dit, tu seras le père de cet enfant et le reconnaîtras comme tel.
Ce qui est alors remarquable chez Joseph, c’est la manière dont il assume son rôle simplement et sans état d’âme. La fin du passage est succincte : il fit ce que l’ange lui avait prescrit ; Joseph obéit comme un père. Toujours aussi conscient de sa faiblesse, il ne s’y arrête plus mais s’appuie sur la parole de l’ange pour s’y engager avec détermination. S’il ne le fait pas, qui le fera ? Comme tout père (et peut-être plus encore que tout père), il vit cet étrange paradoxe de se découvrir porteur d’une responsabilité plus grande que lui et de savoir pourtant qu’il est là à sa place.
Joseph n’a pas engendré Jésus et pourtant il fut bien réellement son père. C’est pourquoi il est exemplaire non seulement pour les pères selon la chair mais encore pour tous ceux qui vivent à un moment ou à un autre la paternité par l’appel à reconnaître leur fécondité, à en assumer la responsabilité, tout en avouant qu’elle les dépasse et que seule la confiance que Dieu place en eux les emplit de la force nécessaire pour l’accomplissement de leur vocation. Amen.
Saint-Michel – 18 décembre 2016