Mer ou montagne ?

83520857_o

Homélie du 27ème dimanche du temps ordinaire

Va te planter dans la mer

Qu’est-ce qu’agir et en quoi la foi peut-elle concourir à notre action ? Alors que les apôtres demandent à Jésus d’augmenter en eux la foi, pensant peut-être pouvoir mesurer leur foi par l’introspection et l’étude de leur propre cœur, Jésus les renvoie à leur œuvre. En effet, cet arbre déraciné qui va se planter dans la mer, c’est la croix du Christ que les apôtres déracineront de la montagne de Jérusalem pour aller la planter dans l’océan qu’est le monde. On s’arrête souvent sur le miracle du déplacement et pourtant, il n’est pas si difficile de déplacer un arbre, c’est une question de moyens ; le vrai miracle est que l’arbre se plante dans la mer, en ce milieu qui ne lui est apparemment pas adapté. C’est exactement ce qui se passa avec l’Évangile : enracinée dans la terre et l’histoire d’Israël, la parole de Dieu est allée se planter en des civilisations qui ne semblaient pas faites pour l’accueillir, des cultures diverses qui ont été réunies en une seule Église par la croix du Christ. Partout, cet arbre a pris racines, a grandi et porté du fruit. Cette œuvre est celle qu’ont accomplie les apôtres et l’un des plus grands miracles de l’Évangile.

Alors donc que les apôtres demandent à Jésus de faire grandir leur foi, le Seigneur leur annonce qu’ils verront la croissance de leur foi dans les œuvres qu’il accomplira par eux et qui dépasseront ce qu’ils peuvent imaginer. La foi se reconnaît à ce qu’elle resplendit et illumine autour de soi. L’homme de foi est celui qui donne au milieu marin sans racine et sans espérance de porter l’arbre de vie. Il suffit d’une personne profondément enracinée en Dieu pour qu’une ville soit embrasée ; pour qu’un lieu plat comme la mer, un lieu qui a perdu tout espérance retrouve la lumière. Les saints ne sont pas ceux qui se regardent le nombril en se demandant s’ils ont une foi suffisante, ce sont ceux qui regardent vers la montagne et vers la mer. Vers la montagne où se trouve Dieu qu’ils servent dans la prière et duquel ils reçoivent la vie ; vers la mer de tous ceux qui sombrent dans le désespoir pour leur porter l’espérance lumineuse du phare de la croix.

La seconde partie du passage nous montre que les deux vont ensemble. Sortie de l’abîme et désormais affermie, notre foi marche sur deux jambes qui sont l’annonce au loin et le service de Dieu. Nous travaillons aux labours et aux pâturages – c’est-à-dire que nous semons la parole de Dieu et que nous veillons, au nom du Christ, sur tous ceux qui nous sont confiés ; puis nous rentrons dans notre maison qu’est l’Église pour présenter à Dieu ceux que nous avons rencontrés, pour remercier le Seigneur de nous donner de travailler à son œuvre. La mer et la montagne, les labours et la maison, le Seigneur emploie deux images différentes pour dire l’unique réalité de notre foi. Nous ne pouvons pas en prendre le pouls, elle ne se mesure ni ne s’enferme en bocal, elle est une vie et si nous voulons la voir grandir, la question à se poser est celle-ci : osons-nous croire que le Seigneur peut illuminer les autres à travers nous ? Si oui, nous témoignerons explicitement de lui et nous le prierons pour ceux à qui nous l’aurons porté ; car, par notre prière et notre parole, le Seigneur veut planter des arbres dans la mer. Amen.

Saint-Michel – 2 octobre 2016