Là-bas

over_the_hills_and_far_away____by_dreizig

Homélie du 24ème dimanche du temps ordinaire

Il partit pour un pays lointain.

Avant de nous parler de la miséricorde du Père, la parabole du fils prodigue nous décrit de l’intérieur le drame du mal qui commence en cette minute incompréhensible où le fils décide de partir. La parabole s’ouvre par ces mots du fils demandant à son père sa part d’héritage, elle commence avec ce péché originel, le premier qui nous entraîne dans l’abîme. Le fils ne manquait de rien puisqu’il avait tout, néanmoins, il choisit de se détourner de son bonheur pour lui préférer le néant. Le mal agit toujours ainsi, il ne peut rien faire sans l’adhésion de notre volonté à ses desseins, il guette la toute petite brèche que nous lui ouvrons pour s’instiller dans notre cœur et venir le pourrir de l’intérieur.

Une fois que le fils a choisi de partir. Les biens qu’il croyait posséder commencent à filer entre ses doigts car ils sont séparés de leur source. Sa liberté même qu’il croyait enfin acquérir en la détachant de sa dépendance d’avec le Père, ne devient très vite que l’ombre d’elle-même. Il ne peut plus faire le chemin du retour car le mal que nous commettons n’est pas une simple erreur ou une péripétie, on ne s’en dégage pas aussi simplement qu’on y plonge, il referme la porte sur celui qui y est entré et empêche le pécheur de lui échapper. Auprès des porcs, le fils est désormais incapable de revenir vers la maison paternelle. Or, son drame est d’être le seul à pouvoir revenir car son Père respecte infiniment sa décision de lui échapper ; le voudrait-il d’ailleurs, cela ne servirait à rien de forcer la liberté de son fils à adhérer à son projet d’amour pour lui.

Deux réalités vont sauver ce pécheur dont Jésus nous dresse le tableau, elles nous sauveront nous aussi. La première, c’est la marque ineffaçable en nous de l’amour créateur de Dieu pour nous. Bien sûr, le fils a par son péché perverti l’image de Dieu en lui. Il le fait complice du mal, il ne le voit plus que comme un maître pour lequel il va falloir travailler afin d’être payé ; pourtant il reste au fond de lui l’image de ce Père. Il n’imagine plus être aimable ni jamais être aimé, pourtant, il ne voit pas d’autre issue qu’en ce Père qui lui a tout donné. En chacun de nous, aussi troublée soit elle, réside l’image de celui qui nous a créés. Nous nous rendrons compte de son amour pour nous et de son innocence quant au mal le jour où il nous aura complétement illuminés de sa grâce ; cependant c’est déjà appuyés sur cette image que nous reprenons la route vers lui. En écoutant les battements de nos cœurs et en réalisant qu’il nous crée à chaque instant, qu’il fait pleuvoir sa pluie sur les justes et les injustes, nous pouvons oser revenir vers lui pour recevoir la vie en abondance.

La seconde réalité qui sauve les pécheurs, c’est la miséricorde du Père. Une fois qu’il a goûté au néant, nul n’est capable de faire le trajet du retour seul. La liberté blessée n’est plus à même de connaître parfaitement le bien à faire et encore moins de l’accomplir. Pourtant, des quelques mauvaises raisons du fils, le Père refait un cœur capable d’amour. Des lambeaux restant de la personne qu’il avait créée resplendissante, le Seigneur fait une œuvre nouvelle. À l’abîme dans lequel l’avait plongé le mal, répond un abîme de miséricorde plus profond encore. Le péché qui menaçait de noyer le pécheur n’est plus qu’une goutte d’eau dans un brasier ardent. Le fils entrevoyait de loin la lumière de cette maison paternelle mais il n’en connaissait pas le chemin, le Père l’ouvre pour lui, le lui fait parcourir et le revêt des habits de sa recréation. Le pécheur retrouve alors sa joie en choisissant de tout recevoir du Père et en entrant dans la libre dépendance au Créateur. Amen.

Saint-Michel – 11 septembre 2016