Homélie du 12ème dimanche du temps ordinaire
– Le Christ, le Messie de Dieu –
La réponse de Pierre à la question posée par Jésus – Pour vous, qui suis-je ? – fait référence à l’histoire d’Israël et la manière dont était manifesté le choix de Dieu. Le Christ en grec, le Messie en hébreu sont des synonymes qui signifient « celui qui a reçu l’onction ». Les rois, les prêtres, les prophètes de l’Ancien Testament étaient oints d’huile pour manifester à la fois l’élection divine reposant sur eux et leur consécration à Dieu. Tu es le Christ, le Messie de Dieu, c’est dire que Jésus est l’Élu de Dieu, celui qui est tout à Dieu autant que celui que Dieu a choisi. Jusque-là le choix divin se portait sur des êtres singuliers sans pour autant que cette élection soit absolue : chaque prophète est un envoyé de Dieu, le roi est sur le trône pour un temps, il sait qu’il a eu des prédécesseurs et qu’il aura des successeurs, les prêtres se partagent leur tâche suivant un calendrier établi. Jésus est élu comme eux pour être prêtre, prophète et roi ; toutefois, il l’est de manière définitive et absolue. Les rois, les prophètes et les prêtres de jadis n’en étaient que l’annonce. Il n’est pas simplement un envoyé de Dieu, il est l’unique envoyé de Dieu. Jean-Baptiste avait missionné ses disciples pour demander à Jésus : Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? Pierre répond en quelque sorte à cette question en proclamant qu’il n’est plus à attendre, il est celui-là même, le Messie.
Or, Jésus ouvre les yeux des apôtres à la réalité de cette élection. Contre une compréhension individualiste de l’élection, les prophètes ont petit à petit amené Israël à saisir que si Dieu en appelait certains, c’était pour transmettre sa bénédiction à tous. Le premier appel, celui d’Abraham, est l’annonce d’une descendance : il est choisi pour tout quitter afin de pouvoir porter du fruit. Moïse laissera derrière lui le palais de Pharaon pour conduire le peuple de Dieu vers la liberté. Le serviteur souffrant qui apparaît dans le livre d’Isaïe nous annonce, de manière encore voilée, la manière dont le Christ vivra l’onction divine qui repose sur lui. Voici donc l’alternative qui se présente à celui que Dieu envoie : soit chercher à sauver sa vie et la perdre, soit perdre sa vie pour la sauver ; soit garder la bénédiction pour soi et en faire l’occasion de l’écrasement des autres et de sa propre perdition, soit comprendre l’élection comme un appel à donner sa vie ; soit désigner un bouc émissaire à la vindicte populaire pour mieux asseoir son pouvoir, soit s’offrir en victime pour le bien même de ceux qui le tueront. Le « il faut » de Jésus n’est pas tant une prophétie de l’avenir à la Nostradamus que l’explication de cette logique de l’élection : puisque je suis le Messie, je suis appelé à souffrir, être tué pour vous ; puisque j’ai reçu l’onction divine, Dieu ne peut m’abandonner à la mort et je ressusciterai.
Après cela, il n’est plus nécessaire qu’il y ait d’autres envoyés de Dieu. Celui-ci aura tout accompli. Il se sera laissé dépouiller de tout afin de tout nous donner. Il est notre prêtre, notre prophète, notre roi. Il est notre Christ. Dans l’église, les prêtres, les prophètes et les rois que nous sommes ne le sont plus qu’en tant qu’ils ont « revêtu le Christ ». Le nom de chrétien porte en lui l’onction divine reçue au baptême, elle nous unit au Christ et à sa croix. Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive. Amen