Que les étoiles dans le ciel

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Homélie du 7ème dimanche de Pâques

Je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là

Un coin du voile se lève dans l’évangile de ce jour. La prière prononcée par Jésus à la veille de sa Passion nous est transmise par Saint Jean et c’est l’intimité de la relation du Père et du Fils qui nous est ainsi révélée. Avec la joie d’un enfant qui perçoit un jour que son existence a pour origine le sanctuaire insaisissable et lumineux qu’est la
relation amoureuse de ses parents, et que leur relation est encore tout entière habitée de l’amour qu’ils ont pour lui, nous découvrons que l’intimité trinitaire est pleine de l’attention portée à chacun de nous. Jésus ne prie pas pour tous les hommes de manière indifférenciée, il prie tout d’abord pour ceux qui sont auprès de lui, les apôtres, puis l’amour de son cœur déborde plus loin, il voit déjà à travers les apôtres et leur parole tous ceux qui croiront en lui, et enfin, à travers ces croyants, les hommes du monde entier qui croiront en voyant comment cet amour gagne de proche en proche et nous fait un à l’image de Dieu.

On moque souvent les cathos pour leurs familles nombreuses : il y a derrière cette réalité sociologique une vérité mystique. La famille est l’image même de Dieu et de son action dans le monde. Des parents qui ont la grâce de donner la vie à de nombreux enfants touchent du doigt – ou plutôt du cœur – ce que peut être l’amour de Dieu pour nous. Le cœur n’est pas partagé, il est comme dilaté à chaque naissance tant l’enfant qui naît est pour ses parents une personne unique. Chacun prend alors une place tellement particulière que la question même de choisir entre l’un et l’autre n’a plus de sens. On trouvera malheureusement des contre-exemples, des enfants mal-aimés, mal reçus, rejetés – chacune de ces situations est un scandale, précisément parce que nous pressentons que ce n’est pas dans l’ordre des choses, que les parents se doivent d’être pour leurs enfants des images de l’amour divin. Ils le sont d’ailleurs bien souvent et nous le percevons dans leur manière de les regarder, leur bienveillance dans les paroles qu’ils prononcent à leur sujet, l’attention personnelle qu’ils leur portent.

Nous avons là une image de l’amour de Dieu pour chacun de nous et cette image va plus loin encore car s’ils les aiment personnellement, les parents n’aiment pas leurs enfants séparément. Ils souffrent de leurs disputes et ils sont déchirés par leur division. Ils ont une joie profonde à les voir s’aimer, leur bonheur est de regarder le plus grand prendre le plus petit par la main pour l’aider ou de les voir manifester délicatement leur affection l’un pour l’autre. Autant les enfants puisent dans l’amour de leurs parents entre eux les ressources pour aimer à leur tour, autant l’amour des parents pour chacun de leurs enfants se réjouit de l’amour qu’ils ont entre frères et sœurs.

C’est ainsi que nous sommes présents dans l’amour du Père et du Fils. Dieu nous aime chacun, et nous entrons d’autant plus dans cet amour que s’installent entre nous des relations de charité. Dieu nous aime en désirant que se répande entre nous l’amour qui est en lui. Chrétiens, nous formons une famille et le lieu où nous la rencontrons, c’est ici, dans notre communauté paroissiale. Ici, nous sommes parmi nos frères et sœurs sous le regard de Dieu et l’amour que nous avons les uns pour les autres devrait
être le reflet même de l’amour que nous recevons de Dieu. Cette unité n’est pas gagnée comme nous nous en apercevons trop souvent, la cultiver est pourtant essentielle car, comme nous l’entendons dans la prière de Jésus, c’est en étant UN que nous sommes en Dieu. Venir adorer le Christ c’est être prêt à apprendre à aimer, à aimer de tout notre cœur, ceux qui l’adorent avec nous. Il est temps de s’y mettre. Amen.

Saint-Michel – 8 mai 2016